Les voyageurs algériens se rendant en Tunisie ne décolèrent pas. Ils sont déterminés à revendiquer que la taxe de 30 dinars tunisiens imposée aux touristes non résidants, appliquée depuis octobre 2014, soit supprimée ou au moins que soit mis en place le principe de la réciprocité pour les Tunisiens qui visitent l'Algérie à des fins commerciales. Dans le cas contraire, ces protestataires iront plus loin en demandant la fermeture de la frontière terrestre entre les deux pays. Ainsi, des Algériens, pour la plupart des frontaliers, ont procédé à la fermeture des deux postes-frontières de Bétita (à 150 km de Tébessa) et de Ras El Ayoun (à 35 km seulement). Selon une information, le plus grand poste-frontière, celui de Bouchebka, sera fermé à son tour prochainement. Le silence des deux gouvernements concernant ces actions de protestation fait que la situation a dégénéré. Pis, les dernières déclarations de l'ambassadeur d'Algérie en Tunisie, Abdelkader Hadjar, disant que l'imposition de cette taxe n'a touché que des contrebandiers, a provoqué la colère des voyageurs. «La déclaration de Abdelkader Hadjar concernant notre mouvement de protestation disant que cette taxe ne touche que les contrebandiers est une pure provocation. Il faut qu'il sache qu'un contrebandier ne passe jamais par un poste-frontière. Par cette action organisée par les gens du Sud nous voulons rendre à l'Algérien sa dignité d'autrefois», s'est indigné Mohamed. «En 2014, quand le Parlement tunisien a adopté cette loi, nos frères libyens ont immédiatement réagi en appliquant le principe de réciprocité en imposant 60 DL aux Tunisiens voulant entrer en Libye, du coup la taxe a été annulée. Pourquoi deux ans après, le gouvernement algérien n'a pas bougé le doigt pour la suppression de cette taxe qui représente une intimidation pour le pays», s'interroge Ali, habitant dans la région de Bétita, contacté hier par téléphone. Intimidation Des Algériens qui se font agresser verbalement ou physiquement ou même voler par des Tunisiens se chiffrent par dizaines. Les protestataires de Bétita ont profité, la semaine dernière, de cette occasion pour dénoncer les intimidations à leur encontre par, notamment, la police tunisienne. C'est le cas de S. Abdelhamid, qui affirme : «J'ai reçu plusieurs coups de poing de policiers tunisiens d'Oum Laarayes, relevant du gouvernorat de Gafsa. Ils m'ont passé à tabac parce que tout simplement je voulais déposer une plainte contre deux individus qui ont tenté de nous agresser, ma famille et moi.» Un septuagénaire algérien s'est fait malmener par un agent des Douanes tunisiennes alors qu'il complétait les formalités de passage : «Au su et au vu de tout le monde, un douanier tunisien a frappé mon oncle avec son passeport», a fait savoir la semaine dernière Abdallah, un habitant de Ras El Ayoun. Alors que Zoubir (proviseur) et son cousin ont été volés par le propriétaire d'un studio qu'ils avaient loué au quartier Erriadh à Sousse. Jusque-là, leur plainte déposée auprès de la police tunisienne reste sans résultat. Tunisiens craintifs La dévaluation de la monnaie nationale, atteignant le seuil des 75 DA pour 1 DT, est une aubaine pour les Tunisiens qui seraient des milliers à entrer quotidiennement pour un séjour ne dépassant pas les deux jours. Ils n'affluent pas comme des touristes à la recherche de belles plages ou de grands hôtels, mais à la recherche de marchandises à bon prix dans les marchés algériens pour alimenter leurs commerces. Ces Tunisiens, pour la plupart venus des gouvernorats de Kasserine, Kef, Gafsa, Kairouan ou, encore plus loin, de Sousse ou de Tunis, affluent vers les marchés de Tébessa, Aïn M'lila et El Eulma pour faire leurs emplettes. Ils achètent des pièces de rechange, des produits informatiques, de la vaisselle, des effets vestimentaires.... des produits devenus très chers en Tunisie après la récession de l'économie de ce pays. Depuis que des Algériens sont passés à l'action pour réclamer la suppression cette taxe, les Tunisiens sont craintifs, que la relation entre les deux pays ne dégénère. «Tous les Tunisiens craignent beaucoup l'instauration de la réciprocité si le gouvernement algérien impose à son tour une taxe pour les étrangers, la situation se compliquera pour nous», affirme Houssem, un jeune commerçant tunisien rencontré au poste-frontière de Ras El Ayoun. Heddi, une sexagénaire, commerçante ambulante à Feriana, dans le gouvernorat de Kasserine, est une habituée des souks de Tébessa et a tenu à exprimer son soutien à l'Algérie : «Les Tunisiens sont de plus en plus nombreux à visiter l'Algérie. Moi par exemple, je viens en Algérie deux fois par semaine. En tant que Tunisienne, je demande au gouvernement de renoncer à l'application de cette taxe, sinon des milliers de Tunisiens qui s'approvisionnent en marchandise en Algérie vont être au chômage.» Il est à signaler qu'une vingtaine de Tunisiens sont venus, la semaine dernière, marquer leur solidarité avec les Algériens qui avaient procédé à la fermeture du poste-frontière de Ras El Ayoun. L'un d'eux a déclaré : «Il faut que les deux gouvernements s'assoient et discutent immédiatement de la suppression de cette taxe. Nos frères algériens ont toujours répondu présents pour sauver notre saison estivale et, du coup, notre économie, pourquoi les pénaliser avec cette taxe ?»