Les rencontres cinématographiques de Béjaïa (RCB) reviennent avec une 14e édition qui ne manque pas de bons plats et de beaux plans à la Cinémathèque de la ville, au sous-sol de la place du 1er Novembre. Les fidèles des Rencontres, entre professionnels, journalistes et autres invités, se sont retrouvés pour constituer le même public cinéphile qui refuse de s'élargir à de nouveaux visages. Et ce n'est pas faute de films. La soirée d'ouverture a été exclusivement dédiée au court métrage avec, d'abord, 3:30, du Libanais Hussen Ibraheem. Le film est comme un concentré, en 14 minutes, du drame libanais. Quatre personnages, trois hommes et une femme, une voiture immatriculée et un horaire, qui prend contre-pied. Les choses se passent très vite, dans un décor désertique. Dans la voiture, l'un des hommes, gravement blessé, meurt. Entre le conducteur, un dur, et ses deux compagnons, la confiance ne règne absolument pas. La femme suggère qu'il faut s'en débarrasser. Le conflit confessionnel est symbolisé par les prières, bien cadrées, que font les deux hommes à la mort du blessé, l'un a les mains levées vers le ciel, l'autre fait le signe de la croix. Le musulman et le chrétien s'entretuent, absurdement. Une bagarre mortelle, un coup de feu, et la scène se termine dans le sang. Le film est une courte invite à l'autocensure et à la réflexion sur les dérives humaines qui creusent des fossés, appellent au rejet de l'autre et sèment la haine. Une haine que la femme subit dans bien des cas. C'est ce que nous donne à voir, dans un contexte complètement différent, le deuxième film de la soirée d'ouverture, Kindil El Bahr (ou la femme méduse), de l'Algérien Damien Ounouri. Le film de quarante minutes est une plongée frissonnante de Nfissa, une jeune maman qui se transforme en méduse après avoir été lynchée jusqu'à la noyade, au large, par une horde de jeunes baigneurs. Au loin, sur la plage, sa mère (Souad Sebki) et ses deux enfants ne se doutaient de rien. Adila Bendimerad, dans le rôle de Nfissa, également co-scénariste, qui a déci-demment plus d'une corde à son arc, se révèle avec les dons d'une nageuse, d'une sirène qui laisse son public accroché à son monde sublime de sous les eaux, aux contours d'une histoire fantastique. Les scènes sont tournées à Cherchel, Tipasa et Gouraya. Les plans sous l'eau sont saisissants et sont inhabituels dans le cinéma algérien. Violentée et noyée, après sa mort, Nfissa retrouve une seconde vie. Elle respire et rampe sous l'eau dans la peau cadavérique d'une méduse qui devient violente. Elle se venge des hommes et de leur société archaïque et absurde. Mais Nfissa reste amoureuse de son mari, Samir, campé par Nabil Asli, une belle paire d'acteurs qui charme et qui a fait ses preuves dans bien des films dont Normal et Le repenti de Merzak Allouache. Samir s'agite d'inquiétude pour sa femme disparue, avalée par une mer démontée. Emergeant de sous l'eau, la femme méduse hurle sa douleur et sème la mort sur la plage, ce qui donne au film un cachet de science-fiction et le plonge surtout dans la mythologie qui donne vie à des personnages surnaturels. Kindil, bien qu'il veuille prendre de l'intemporalité en se déroulant dans Césarée, une ville antique, se passe toutefois dans des décors algériens d'aujourd'hui. Le scénario fait intervenir des personnages qui ne s'étonnent pas, devant la camé-ra d'une télévision, de l'existence d'une femme méduse, qu'ils voient en chair et en os exposée sur la place publique à sa capture. Ceci dit, les plongées et l'art de Adila Bendimerad on en de-mande en tout cas. Les RCB continuent et le public se régalera, jusqu'au 9 septembre, avec vingt-cinq autres films (en tout : dix documentaires et onze courts métrages, six longs métrages seulement). Au pro-gramme d'aujourd'hui, lundi, Foudre, une légende en quatre saisons, un documentaire français à la séance à 14h30, et le court métrage de Latifa Said, Jours intranquilles, et, pour finir, Good luck Algéria de Farid Bentoumi.