Les Algérois se sont réveillés hier surpris par un immense bouchon sur la plus grande partie des accès et sorties de la rocade sud, reliant l'ouest à l'est d'Alger, en raison de la fermeture d'une partie de ce tronçon au niveau de Ben Aknoun, où un effondrement de la chaussée a créé, dans la nuit de vendredi, vers 21h, un incroyable cratère au milieu de la chaussée et causé des blessures à plus d'une dizaine de personnes. Celles-ci étaient à bord des cinq véhicules qui ont chuté au fond du gouffre. Il a fallu plusieurs heures pour faire sortir les personnes piégées et les transférer vers les hôpitaux les plus proches. Coupée à la circulation, la route s'est transformée en une véritable fourmilière vers laquelle ont été dépêchées les unités techniques des services des eaux, de l'assainissement, des travaux publics, de la Seaal, des services de sécurité et de la Protection civile. L'effondrement de la voie est devenu une affaire nationale, reprise en boucle durant toute la nuit de vendredi à samedi par les chaînes de télévision privées. Mais que s'est-il réellement passé en cette soirée pluvieuse ? Tous les techniciens sont unanimes à dire qu'il y a eu une «combinaison» de facteurs. Directeur des ressources en eau, M. Amirouche explique : «L'effondrement a eu lieu au-dessus d'un collecteur des eaux pluviales, mais aussi des eaux usées qui se trouve à plus de 11 mètres de profondeur. Il date de l'époque coloniale et devait être dévié en raison de sa vétusté. Les pluies torrentielles qui se sont abattues ces dernières 24 heures pourraient être à l'origine de cet affaissement, mais pas à elles seules.» Il rappelle qu'en mai 2016, à quelque 120 mètres plus loin sur la même voie, il y avait eu un affaissement. «Nous avions fait toutes les études pour réparer l'affaissement, mais aussi dévier tous les collecteurs qui se trouvent à 12 mètres de profondeur sous cette voie. Leur dérivation était une nécessité parce qu'ils n'ont pas à être là. Il y a trois semaines, nous avions tout terminé. Il ne restait que les travaux de mise en service du nouveau collecteur qui passe par les anciennes routes et remplir l'ancien de béton pour l'abandonner définitivement. Nous avons été surpris par l'incident qui a été probablement accéléré par les fortes pluies durant les dernières 24 heures.» Le responsable souligne que l'affaissement de mai dernier a eu lieu 120 mètres plus loin, mais il reconnaît néanmoins que parmi les causes de cet effondrement, il y a aussi le fait que cette voie express ait été réalisée avec du remblai, alors qu'elle reçoit un flux important du trafic routier. «C'est vrai que cette route est vulnérable. Mais il faut reconnaître qu'elle a tenu plus de 35 ans, puisque sa réalisation remonte à la fin des années 1970 et début des années 1980. Elle a tenu malgré tout...», dit-il. Architecte et expert en matière de risques majeurs, M. Chelghoum est plus alarmiste. Pour lui, l'une des causes principales de cet effondrement est la qualité du sol. «Je pense que la raison de cette catastrophe est la nature du sol. Une route est un ouvrage d'art. Il lui faut 5 à 6 couches de consolidation. Or, nous savons que toute cette région a été construite sur du remblai», note M. Chelghoum, qui se dit très préoccupé par cet accident : «En tant qu'expert, j'aimerais bien comprendre où toute cette quantité de terre est partie. C'est quand même un gouffre de 12 mètres de profondeur au moins. Il faudra faire des investigations pour savoir ce qui s'est passé», lance-t-il. Les mêmes questions sont posées par M. Amrouche, directeur des ressources en eau de la wilaya d'Alger : «C'est vrai qu'il faut trouver des réponses à toute cette terre engloutie. Où est-elle partie ? En combien de temps s'est-elle effondrée ? Est-ce que cela s'est passé en une heure, en une semaine ou durant des mois ? Des enquêtes vont être menées parce qu'il est important de connaître les causes de cet accident qui à ce stade sont inconnues.» Interrogé sur la fin des travaux sur la voie, il précise : «Nous pensons pouvoir terminer en fin de journée afin que les services des travaux publics puissent commencer le goudronnage et ouvrir la route à la circulation dès dimanche (aujourd'hui, ndlr). Mais, nous ne pouvons pas être certains. Nous travaillons à plus de 11 mètres de profondeur. S'il y a un écoulement d'eau qui apparaît, nous sommes obligés de reprendre. L'achèvement de nos travaux se fera une fois que tout sera maîtrisé. La route pourra être par la suite ouverte à la circulation sans risque d'un autre incident.» En tout état de cause, ce grave incident met sur le tapis, encore une fois, la problématique de la gestion des risques majeurs. Durant la nuit de vendredi à samedi, les équipes techniques et surtout de secours ont eu du mal à atteindre le lieu, alors que l'effondrement s'est déroulé le soir, durant le week-end, où la circulation était généralement très fluide.