Le patron du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad, que l'on disait affaibli par le duel involontaire ou prémédité qui l'avait opposé au gouvernement lors du Forum africain sur l'investissement et les affaires tenu récemment à Alger, est sorti grandi de cette brouille. En s'en remettant à ses pairs qui l'ont plébiscité une seconde fois en le maintenant à son poste de président du FCE, Ali Haddad a frappé fort, marquant de précieux points à ses adversaires déclarés ou cachés. Devant le bureau national, il n'a fait ni mea culpa ni repentance face aux critiques et accusations qui l'ont ciblé, lui reprochant son ambition démesurée et le peu de respect manifesté à l'égard du gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre, M. Sellal, auquel il aurait cherché à ravir la vedette à la tribune du Forum africain d'Alger. Pour autant, le puissant patron du FCE, auquel on prête de solides liens avec l'entourage présidentiel, est-il sorti définitivement de la zone de turbulences ? Faut-il voir dans le boycott des médias publics de la réunion du FCE et le renoncement des bailleurs de fonds parmi les entreprises publiques partenaires du FCE dans l'organisation du Forum africain sur l'investissement, d'honorer leurs engagements financiers (sur ordre de qui ?) des signes que la crise n'est pas derrière mais devant lui. Ali Haddad a déployé des trésors d'énergie pendant et après le Forum africain pour s'expliquer sur l'incident qui avait émaillé cette rencontre, s'en tenant à la thèse d'un hiatus d'ordre purement organisationnel révélant, pour ceux qui en doutent encore, avoir rencontré le Premier ministre pour lever tout malentendu. Mais il demeure que le désamour entre l'homme d'affaires et le Premier ministre est bien réel. L'appel lancé par Ali Haddad aux membres du FCE pour travailler «main dans la main» avec le gouvernement ne saurait occulter le fait que les relations entre les deux hommes ne sont plus ce qu'elles étaient. Le silence du gouvernement, et particulièrement du Premier ministre sur cette affaire, est assez éloquent et renseigne sur l'état des rapports de force au sein du pouvoir. Le soutien apporté par Ahmed Ouyahia, patron du RND et néanmoins directeur de cabinet de la présidence de la République, à Ali Haddad à qui il a témoigné «toute son affection» se veut un rappel à l'ordre, voire un carton rouge des décideurs pour le respect de la hiérarchisation du pouvoir découlant du système de gouvernance en place, où l'oligarchie occupe une place de choix. Connu pour son extrême prudence, surtout quand il s'agit de se positionner sur des polémiques qui agitent le sérail, Ouyahia, en volant au secours de Ali Haddad, s'est fait l'écho d'une position dominante au sein du pouvoir. Le maintien de Ali Haddad à son poste en dépit de l'ombrage porté au gouvernement à travers l'incident du Forum africain d'Alger signifie clairement que le clan au pouvoir et son allié stratégique – Ali Haddad et son organisation – sont déjà en ordre de bataille, sabre au clair, pour barrer la route à toute ambition ou velléité de changer l'ordre établi, de l'intérieur du pouvoir ou par l'opposition. Les ratés enregistrés dans l'action gouvernementale ces derniers mois, dont le dernier en date est le rétropédalage sur la durée des vacances scolaires d'hiver, sont tellement nombreux qu'il est à se demander si des parties au sein du pouvoir ne cherchent pas délibérément, dans un sordide jeu de quilles, à pousser à la faute le gouvernement et le Premier ministre pour changer l'Exécutif.