La chute de Syrte est certes un acte salutaire dans la lutte contre le terrorisme, mais de l'avis de tous, ce n'est qu'une étape sur la voie de l'éradication de ce fléau en Libye. «Les drapeaux de Daech ne sont plus sur les bâtiments officiels à Syrte ou Derna. Mais les membres de l'organisation terroriste sont encore nombreux en Libye et leur danger est encore là, y compris à Tripoli», avertit le politologue Ezzeddine Aguil. Ce dernier rappelle des informations en provenance des environs de Beni Walid (135 kilomètres au sud-ouest de Misrata) faisant état du rassemblement des unités de Daech dans les zones difficiles avoisinant l'oued Merdum, non loin de Beni Walid. Les informations font même état de camps d'entraînement. Par ailleurs, le risque ne concerne pas uniquement l'intérieur libyen. Des drapeaux de Daech ont été retrouvés dans la zone tampon, sur la frontière entre la Tunisie et la Libye. Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans que les autorités tunisiennes n'annoncent le démantèlement de cellules liées à Daech. Les plus récentes ont été signalées le 31 décembre à Sidi Bouzid (4 personnes), le 30 à la Manouba (9 personnes) et le 29 décembre à l'Enfidha (10 personnes). La communauté internationale et notamment les pays du voisinage immédiat de la Libye sont conscients de ce danger. Tractations Pour aider à la réconciliation en Libye, l'Algérie a récemment accueilli Fayez El Sarraj, le chef du gouvernement de réconciliation, ayant autorité dans l'Ouest libyen, et Khalifa Haftar, le chef d'état-major de l'armée libyenne, dominant l'est du pays. D'autres pourparlers sont prévus cette semaine pour avancer sur le dossier des institutions de l'Etat libyen à édifier. Pour sa part, l'Egypte a accueilli le président du Parlement libyen, Salah Aguila, qui a été reçu par le président Al Sissi. Une délégation du Parlement a également rencontré le chef d'état-major de l'armée égyptienne, Mahmoud Hejazi, chargé du dossier libyen. Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a discuté de ce dossier lors de son passage à Alger, le 15 décembre dernier. Il a dépêché son ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, en Egypte en vue d'une initiative algéro-tuniso-égyptienne pour ce dossier libyen très complexe. On parle même à Tunis d'une rencontre des chefs de la diplomatie des trois pays, voire des trois Présidents pour avancer sur ce dossier épineux et lourd de conséquences sécuritaires. L'envoyé spécial américain, Jonatahan Winer, a exprimé son soutien à cette démarche.De son côté, la France insiste sur un compromis politique entre l'Est et l'Ouest libyen, sous l'autorité d'El Sarraj, sans que l'une des parties ne domine l'autre. Des sources françaises pensent qu'une telle éventualité est réalisable, en se basant sur le fait que l'argent du pétrole est en train d'aller à la Banque centrale à Tripoli, alors que ce sont les troupes de Haftar qui dominent les terminaux pétroliers.
Chaos sur le terrain Ce qui inquiète le plus les Libyens et les pays du voisinage, c'est l'absence d'une autorité centrale et d'harmonie dans la gestion de l'Etat, notamment à Tripoli. Le 29 décembre, trois arrêtés ont été publiés au nom du gouvernement de la réconciliation, portant nomination du ministre de la Justice, du directeur des renseignements généraux et du chef de la force antiterroriste. Quelques heures après cette publication, le vice-président du Conseil du gouvernement, Abdessalem Kajeman, a publié un communiqué, rejetant ces nominations et les considérant «nulles, car elles n'ont pas bénéficié du quorum requis». Les mêmes divergences sont observées sur le terrain sécuritaire. Le 26 décembre, une unité de Misrata a attaqué le siège de la force de dissuasion à Tripoli pour libérer dix personnes arrêtées pour des crimes divers. Le 27 décembre, une décision a été prise par la force relevant du département d'investigations criminelles, de fermer tous les tribunaux de Tripoli. Une décision solennellement condamnée par l'envoyé spécial de l'ONU, Martin Kobler, mais traduisant le chaos régnant à Tripoli, où le gouvernement d'El Sarraj peine à imposer son autorité, faute de forces qui lui sont loyales. Ce n'est qu'hier qu'un communiqué a été publié pour annoncer le recrutement d'éléments pour la Garde nationale libyenne qui sera sous l'autorité du gouvernement et prendra en charge la sécurité des établissements publics et des frontières. Mais, d'ici à l'implantation sur le terrain de cette force, la Libye reste sujette à tous les aléas.