Le sort du militant des droits de l'homme Kamel Eddine Fekhar, originaire de Ghardaïa, emprisonné depuis plus de 18 mois pour «troubles à l'ordre public», «incitation à la haine et à la violence» et «atteinte à la sûreté de l'Etat et à la sécurité nationale», ne semble inquiéter que sa défense, ses proches et certains militants des droits de l'homme. Observant une grève de la faim depuis presque un mois, qui a nécessité son transfert à l'hôpital à Laghouat, suite à la détérioration de son état de santé, le prévenu risque de connaître le même sort que feu Mohamed Tamalt, ancien journaliste décédé dans l'indifférence, dans les mêmes conditions, lors de sa détention après plusieurs jours de grève de la faim. Echaudée par le scandale de la mort tragique du journaliste blogueur qui avait ému et consterné l'opinion nationale face à ce qui avait été qualifié de «meurtre avec préméditation» pour n'avoir pas prêté l'assistance médicale nécessaire à un malade chronique, l'administration pénitentiaire a cru, dans le cas du Dr Fekhar, soulager sa conscience en rendant public un communiqué dans lequel elle appelle vivement ses avocats et sa famille à le convaincre de cesser sa grève de la faim pour éviter l'irréparable. Cette démarche, qui en appelle à la raison et à la responsabilité, aurait pu avoir un sens et apaiser les esprits en ouvrant la voie à un procès équitable juste et dépassionné si, encore une fois, on n'avait pas laissé pourrir la situation en maintenant en détention, sans jugement, un prévenu sur lequel pèsent de lourdes charges qui le poussent, faute d'autres perspectives, à des actes de désespoir pour se faire entendre. Le Dr Fekhar s'est d'ailleurs préparé au martyre en refusant de s'alimenter, allant même jusqu'à laisser son testament à ses avocats pour montrer sa résolution à aller jusqu'au bout de son action. L'affaire fait boule de neige puisque 11 de ses codétenus, poursuivis pour les mêmes faits dans le cadre des événements qui avaient secoué la ville de Ghardaïa en 2015, ont eux aussi entamé une grève de la faim par solidarité avec le Dr Fekhar. Dans un même élan de communion qui s'est enclenché dans la région, un groupe de femmes mozabites se sont mises à la diète à leur tour cette semaine. Le mouvement risque de faire tache d'huile et déborder les pouvoirs publics qui peineront à gérer un phénomène de grève de la faim de masse avec toutes les conséquences à l'international sur la situation des droits de l'homme en Algérie, déjà sévèrement pointée du doigt dans les rapports des ONG. N'y a-t-il donc rien d'autre à faire dans le traitement de ce dossier qui sent déjà le roussi, que ce statu quo préoccupant mettant aux prises, d'une part, une justice qui se montre implacable et peu magnanime par rapport aux faits reprochés au Dr Fekhar ainsi qu'à ses codétenus de Ghardaïa et, d'autre part, des justiciables élevés dans la région au rang de héros et qui sont déterminés à aller loin dans leur protestation ? La sensibilisation et la mobilisation citoyenne autour de cette affaire qui peine à traverser les limites du M'zab a concouru de manière dramatique à la banalisation de ce dossier versé au registre des affaires de droit commun. Le pot de fer contre le pot de terre n'a jamais été une bonne politique, un signe de clairvoyance. Surtout quand il s'agit de questions aussi sensibles que les revendications identitaires et la préservation de l'unité nationale.