En raison de leur aptitude à absorber le CO2 et à amasser le carbone dans leurs tissus ligneux, les forêts et les arbres pourraient contribuer à atténuer les effets et les conséquences négatives du changement climatique. Conscients du rôle important que jouent les forêts dans la préservation des équilibres sociaux et écologiques et les menaces qui pèsent sur les ressources forestières, les organisations internationales célèbrent chaque 21 mars la Journée internationale des forêts. Pour des choix de calendrier relatif aux vacances des étudiants, l'Ecole nationale supérieure d'agronomie (ENSA) a organisé, le 1er mars dernier, une journée portes ouvertes sur la thématique «Bois et énergie». En partenariat avec les parcs nationaux (Theniet El Had, Chréa, Djurdjura), les centres cynégétiques et l'Institut national de la recherche forestière, l'événement a été conçu dans un double objectif : «le premier est pédagogique. Nous avons essayé d'apprendre aux étudiants et futurs ingénieurs comment animer une exposition et célébrer une journée commémorative. Le second objectif est d'informer la famille universitaire sur la biodiversité et sur les espèces forestières qu'on doit protéger», explique M. Sbaldji, enseignant à l'ENSA. Les buts tracés sont d'autant plus stratégiques qu'ils s'adressent aux universitaires, qui sont les plus appropriés pour prendre demain, à bras-le-corps cette lutte indispensable à la sauvegarde de l'environnement. «Les étudiants doivent connaître cet aspect. Car il faut savoir que les milieux naturels, les forêts en l'occurrence, sont des milieux ouverts, influencés par toutes les classes sociales. Ainsi, il est nécessaire d'intégrer tout le monde dans cette politique de protection et de conservation. Nous avons essayé, lors de cette journée, de balayer le thème global et de définir les axes sous forme d'affiches. Chaque étudiant a élaboré un certain nombre de posters pour expliquer au grand public le thème de la journée», explique-t-il encore. Pour Mme Nacer Bey, chef de département de foresterie et protection de la nature, la participation des partenaires de l'ENSA à l'événement est un apport très important. «Nous avons invité ces opérateurs, à l'instar de la direction des forêts, afin d'expliquer à nos futurs étudiants le rôle d'un forestier et les tâches qui lui sont attribuées. Nous voulions montrer aux étudiants les possibilités d'employabilité dans le secteur forestier et celles que leur offre la forêt, pour mettre en place des petites entreprises afin de valoriser cet écosystème. L'ENSA est le seul établissement qui forme des ingénieurs dans la spécialité foresterie», précise la chef de département. Pour mettre la lumière pleine sur la problématique de la préservation des forêts, les participants à l'événement de l'ENSA tentent d'occuper les espaces médiatiques et adoptent même des stratégies de communication savamment préparées. «Nous avons fait des petites émissions avec l'université de la formation continue afin d'aborder quelques volets de la recherche effectuée à l'ENSA. La nouvelle stratégie de l'école consiste à former des étudiants, qui seront capables de gérer et de créer dans l'avenir leur propre entreprise. Nous pensons également à remanier le programme en fonction de la demande et des besoins de l'économie nationale. Car il faut sortir de la science fondamentale et se lancer dans la recherche appliquée», soutient Abdelkader Samir Morsli, enseignant-chercheur à l'école. De son côté, le professeur El Hadi Oldache déplore le manque d'importance accordé au secteur. «Jusqu'à présent, nous accordons peu d'importance à la foresterie. Il faut dire que ce domaine a été marginalisé. Les directions de la foresterie installées sont dépendantes d'un ministère (Agriculture), celle-ci est donc la dernière roue de la charrette. Il faudrait ainsi, qu'il y ait un ministère consacré à la forêt. L'idée reçue est que nos forêts sont des espaces de protection, or c'est faux. Il faut savoir que la forêt peut produire tout en protégeant», insiste-t-il. Quelques jours après l'événement du 1er mars, les étudiants de l'ENSA ont organisé une exposition à l'intérieur de l'établissement pour afficher leurs posters. «Nous avons créé des affiches par thématique. Nous avons d'abord fait une présentation du patrimoine, ensuite, nous avons abordé l'aspect production et enfin les menaces», indique M. Sbaldji. Caractéristiques de la forêt algérienne Présentée par Manel, étudiante à l'ENSA, l'une des affiches expose la présentation générale de la forêt algérienne. La jeune étudiante explique que la forêt algérienne est une forêt thermophile, qui occupe environ 3 millions d'hectares, soit 2,2 % de la forêt mondiale. La superficie forestière en Algérie est, elle, estimée à 4,15 millions d'hectares. Mais il est important de préciser que le taux de boisement est de 2%, ce qui est vraiment insuffisant si on les compare aux normes internationales, estimées à 25%, pour garantir l'équilibre écologique. «Le rôle de la forêt en Algérie est agro-social. C'est-à-dire le surpâturage, le tourisme et le rôle économique caractérisé par la production de liège et de bois», développe Manel. Parmi les forêts exploitées à cet effet, elle citera à titre d'exemple les forêts de pins d'Alep localisées à Hassassna (Saïda), Bel Abbès, la forêt de Senalba (Djelfa) et celle de Bouhmama (Khenchela). Pour ce qui est des espèces phares, l'étudiante cite : le pin d'Alep, localisé dans les régions semi-arides et subhumides, et Le chêne-liège, qu'on peut trouver dans l'étage bioclimatique humide et subhumide (notamment à Tizi Ouzou, Béjaïa, jusqu'à l'extrême Est). «Il faut savoir que dans ce patrimoine et quelles que soient sa physionomie et sa formation, il existe, au sein de ces forêts, une biodiversité en termes d'espèces», renchérit M. Sbaldji. La biodiversité en Algérie Soumiya, étudiante en 4e année de foresterie prend en charge l'affiche consacrée à la biodiversité. «La biodiversité est, par définition, la variabilité des organismes vivants, y compris les écosystèmes marins et terrestres. Cette biodiversité comprend plusieurs niveaux, entre autres, le niveau intra-individuel, c'est-à-dire la diversité des gènes et le niveau interspécifique, ainsi que le niveau populationnel et l' écosystémique. Toutefois, cette biodiversité rencontre plusieurs menaces, telles que le surpâturage, les incendies, le défrichement et la pression démographique», instruit l'étudiante, qui indique que des centres cynégétiques ont été créés pour la préservation de la faune et de la flore, la protection des zones montagneuses, la préservation et la régénération du couvert végétal dans les espaces typiques et forestiers, la préservation de l'avifaune et des plantes aquatiques dans les zones humides, ainsi que la préservation, la reconstitution et le développement de la faune et de la flore dans les parcs (les aires naturelles et les aires marines) qui sont une solution pour la préservation de la biodiversité. «Plusieurs espèces sont actuellement menacées d'extinction, à l'instar du vautour, de la hyène rayée et du guépard du Sahara», déplore-t-elle,en indiquant toute- fois que la flore en Algérie est très diversifiée à travers ses étages bioclimatiques. De son côté, l'enseignant-chercheur, Morsli, explique qu'il existe une flore particulière dans chaque étage. «On trouve des espèces exotiques introduites et qui sont supérieures aux espèces naturelles. Car le plus grand nombre d'espèces a été introduit dans les jardins botaniques, à l'instar du Jardin d'essai, qui est un endroit d'acclimatation», rappelle-t-il. Pour ce qui est des espèces endémiques, il existe plusieurs types, selon les intervenants: espèces endémiques au Nord africain, algéro-marocaines, algéro-tunisiennes, ainsi qu'algériennes. Citons à titre d'exemple le cèdre de l'Atlas, qui est une espèce endémique algéro-marocaine également introduite en France. «Les chercheurs français ont effectué des études comparatives à Chreâa, elle existe d'ailleurs toujours. Ils ont comparé la provenance et ont pris le cèdre de l'Atlas de l'Algérie -cèdre de Bélézma- vers le sud de la France en 1860. Actuellement la superficie boisée en cèdre en France est presque équivalente à celle de l'Algérie», poursuit Morsli. Il citera également, le sapin de Numidie, une espèce endémique unique dans le monde localisée dans les monts des Babors confinée au sommet des montagnes à 2000 mètres d'altitude (entre Sétif, Bejaia et Jijel). «Le sapin de Numidie vient dans l'étagement de la végétation après le cèdre de l'Atlas», énumère encore l'enseignant-chercheur, qui insistera sur le populus euphratica, une espèce dont la particularité réside dans le fait que cet arbre supporte la salinité et la sécheresse. «Cette spécificité a suscité un grand engouement des chercheurs à l'échelle internationale pour propager cette espèce», révèle-t-il. Zones humides Abdallah, étudiant en 4e année a traité, quant à lui, le volet «Zones humides». Il explique que l'intérêt pour ces zones a commencé en 1960, lors de la Convention de Ramsar, négociée avec plusieurs pays en présence des ONG, qui ont observé que les habitats naturels pour les oiseaux migrateurs ont commencé à s'amenuiser. «Le rôle des zones humides ne se résume pas à la protection de la biodiversité. Ces espaces ont d'autres valeurs, telles que la fonction hydrologique, comme la maîtrise des crues, la recharge des eaux souterraines et l'épuration des eaux. Ces zones ont également des fonctions biologiques. Car elles sont des réservoirs de biodiversité et elles ont des fonctions écologiques, comme le puits de carbone, qui joue un rôle dans la séquestration et la régulation des microclimats. Outre ces fonctions biologiques, les zones humides sont aussi des lieux d'interactions multiples», instruit l'étudiant, en précisant que l'Algérie compte environ 1700 zones humides, dont 50 classées Ramsar (selon CDER). Ce qui la place troisième après l'Italie, avec 52, et l'Espagne, avec 72.