Le procès des 36 présumés candidats au djihad dans les rangs de Daech s'est poursuivi hier au tribunal criminel de Boumerdès. Le juge a auditionné une quinzaine de prévenus, dont la femme et les deux gendres du mufti et guide spirituel de l'organisation Etat islamique, Merimi Mohamed, alias Abu El Maram El Djazaïri. Natif de Boudouaou, ce dernier, âgé de 33 ans et ingénieur de formation, serait le premier Algérien à avoir rejoint les rangs de Daech fin 2014 via la Turquie. Il a été suivi peu après par une trentaine d'individus dont la plupart résidaient à Boudouaou, à l'ouest de Boumerdès. Les plus connus d'entre eux sont les dénommés Moukas Fares, alias Abu Doudjana, Boubekeur Hammache, alias Abou El Abas, et Aït Saïd Salem, dit Abu Mahmoud El Fatah. Ces derniers étaient chargés des recrutements et de la création d'une branche de l'EI en Algérie. Ils seront jugés par contumace par le tribunal. Accusée de «non- dénonciation et appartenance à un groupe terroriste», G. Yasmina, la femme de l'actuel mufti de cette organisation criminelle, a nié tous les faits qui lui sont reprochés. «Ce sont les services de sécurité qui m'ont informé que mon mari est parti faire le djihad en Syrie. Je n'étais pas au courant de ce qu'il faisait. Il m'a dit que je partirai faire une formation à l'est du pays. Cela s'est passé un mois après son recrutement par une entreprise activant dans le secteur de l'hydraulique. Il m'a laissé 4 filles, dont la plus âgée a 12 ans et je me suis séparée officiellement de lui à partir de ma cellule», a-t-elle avoué, ajoutant que son mari ne lui a jamais envoyé de l'argent comme mentionné dans l'arrêt de renvoi. Traitements inhumains Poursuivis dans la même affaire, ses frères Faouzi et Mohamed Hicham aussi ont rejeté les griefs retenus à leur encontre. Il leur a été reproché d'avoir reçu une somme de 80 000 DA de la part d'un certain El Kakaâ pour les remettre à leur sœur. Ce dernier a déclaré ne les avoir jamais rencontrées. Les autres accusés, des jeunes natifs d'El Harrach, de Bachdjarrah, de Constantine et de Boudouaou sont poursuivis pour avoir publié des messages faisant l'apologie des groupes djihadistes. Certains sont soupçonnés de se préparer pour rallier Daech via la Turquie. Des faits qu'ils ont tous nié devant le tribunal. «On a subi des traitements inhumains. Je ne suis pas Larbi Ben M'hidi pour m'empêcher de dire des choses que je n'ai jamais commises. Il y a ceux auxquels on a même enlevé les vêtements», a rétorqué I. Hamza, un jeune interprète d'El Harrach. Même les autres femmes (6), poursuivies dans le cadre de cette affaire, se sont dites innocentes. La justice a découvert à travers l'analyse de leurs comptes Facebook et leurs communications téléphoniques qu'elles avaient émis le vœu de rejoindre Daech. L'une d'elles, M. Khadidja, native de Mascara, est accusée d'être partie en Turquie d'où elle a rejoint le Maroc avant de regagner le pays. Chose qu'elle avait nié devant la juge. Curiosité et propagande L. Meriem de Oued Souf dit consulter les sites djihadistes par curiosité. Lors de son réquisitoire, le procureur de la République a cité les preuves démontrant l'implication des accusés dans cette affaire qui a éclaté après une plainte faisant état de la disparition de deux femmes à Rouiba, dont l'enquête entamée en novembre 2015 a révélé qu'elles avaient rallié les éléments de Abu Bakr El Baghdadi. Tout en démontrant la gravité des faits, le représentant du ministère public s'est félicité du travail accompli par les services de sécurité. «Ce ne sont pas les peines que je vais requérir qui sont importantes, mais l'essentiel c'est qu'on vous a sauvés et empêchés de rallier une organisation terroriste que vous ne connaissez que par le nom», a-t-il déclaré en direction des accusés. Le procureur a requis une peine de 20 ans de prison à l'encontre de 11 d'entre eux, des peines allant de 5 et 10 ans à l'encontre de 25 autres et une peine de 3 ans de prison ferme contre B. Hicham. Le procès s'est poursuivi jusqu'à une heure tardive de la nuit avec les plaidoiries des avocats de la défense. Le verdict du tribunal sera prononcé aujourd'hui.