Le début de la campagne électorale pour les législatives du 4 mai prochain aura été plutôt timide au regard de l'enjeu de ce scrutin qualifié d'«historique» par le discours officiel et du battage politico-médiatique ayant sous-tendu sa préparation. Les salles pleines et surchauffées, notamment celles où sont animés les meetings des deux partis au pouvoir, le FLN et le RND, et des autres petites formations nées de la cuisse du pouvoir, ne sont pas forcément synonymes d'un engouement populaire pour ce scrutin. Encore moins un indicateur crédible sur le poids électoral réel issu d'un vote régulier. Tout le monde connaît, en effet, les pratiques vieilles comme le système de tous ces vrais-faux militants, salariés intermittents des meetings électoraux, ramenés par processions d'autobus par les prétendus grands partis avec souvent la duplicité tacite de l'administration. Ceci pour dire que l'ancrage populaire national, dont se prévalent les prétendues grosses cylindrées et que l'on justifie par les salles pleines à craquer présentées comme un baromètre des intentions de vote, n'est qu'illusion d'optique et tromperie. Comme le démontrent ces images surréalistes et contrastées de la wilaya de Khenchela, qui a accueilli le FLN pour son premier meeting de campagne et où l'on découvre que cette région présentée comme étant toute acquise et vibrant jusqu'à la transe pour le FLN, cela a sévèrement sanctionné cette formation politique qui n'avait décroché dans cette wilaya aucun siège au Parlement lors des dernières élections législatives. Pour un parti qui se réclame dépositaire de la flamme de Novembre, être rejeté dans un bastion de la Révolution ne peut pas être dénué de sens. L'inégalité des moyens et des chances entre les partis et les listes des indépendants engagés dans la course électorale est un trait caractéristique de notre système électoral. Un marqueur qui a été intégré à son corps défendant par l'opposition. Laquelle n'a d'autre choix que le boycottage qui signifie l'effacement du débat électoral tel que décidé pour ce scrutin par les pouvoirs publics, ou la participation «vigilante» et critique pour faire entendre sa voix. C'est cette dernière démarche qu'a choisie le RCD qui vient de se distinguer dans ce début de campagne électorale par une initiative politique lourde de sens, celle de boycotter la Télévision nationale et les médias lourds officiels pour protester contre le dévoiement des moyens audiovisuels de leur mission de service public. Une manière de prendre à témoin l'opinion nationale et internationale sur les craintes quant aux irrégularités et dépassements qui émailleront également ce scrutin et auxquels le parti s'y prépare les yeux bien ouverts. Cette thématique récurrente de la dénonciation de l'utilisation des moyens de l'Etat pour conforter l'assise du pouvoir et perpétuer le système n'est pas l'apanage des seuls partis ayant boycotté le scrutin. La saillie du RCD contre l'ENTV préfigure d'une campagne sans concession et sans censure dans des espaces libres et libérés que sont les réseaux sociaux et les rencontres de proximité avec la population sur lesquelles l'opposition mise beaucoup dans la bataille de la séduction de l'électorat. Le discours sur la faillite du système et la nécessité de la transition risque de prendre le pas sur le débat programmatique dans les rangs de l'opposition face au discours de légitimation et d'allégeance au pouvoir.