Incompréhension. Depuis l'instauration d'un système de gardes médicales pour les praticiens du secteur libéral (médecins généralistes, chirurgiens-dentistes, laboratoires d'analyses, cabinets d'imagerie), il y a à peine dix jours, la confusion gagne les médecins concernés. Le service de garde doit être assuré de «16h jusqu'au lendemain 8h pour les jours ouvrables, de 8h à 20h et de 20h à 8h du matin les jours fériés et les week-ends», prévoit l'instruction adressée à toutes les directions de wilaya du pays, le 5 août. «Les listes des gardes mensuelles nominatives doivent être établies par les directeurs de la santé et de la population avant le 20 de chaque mois pour le mois suivant et être portée à la connaissance de tous les citoyens», ajoute le texte. Acculés, les praticiens du secteur privé n'ont eu d'autre choix que de s'y soumettre, non sans mécontentement. Et pour cause, l'instruction n'explique pas les conditions dans lesquelles ces gardes doivent être assurées. Dans un communiqué rendu public hier, le Syndicat national des médecins libéraux exprime son incompréhension et ses craintes : «Cette décision louable par son principe a été prise avec une célérité incompréhensible, sans aucunement associer à la réflexion le représentant naturel des médecins libéraux, le Syndicat national des médecins libéraux, qui n'a même pas été destinataire de la circulaire envoyée aux directeurs de la santé des wilayas. Des listes de garde ont été établies et transmises aux concernés le jour même de leur garde. Aucun document définissant la mission du médecin durant sa garde n'a été envoyé.» Cette circulaire, qui intervient dans un moment de crise et de tensions, fait suite à la dramatique affaire de la jeune femme décédée à Djelfa après avoir accouché d'un bébé mort-né dans une voiture, le mois dernier. Elle a été ballottée d'un hôpital à un autre, le personnel médical ayant refusé son admission, faute de personnels et de moyens. Comme pour répondre aux questions de fond que pose cette affaire concernant l'état de déliquescent de notre système de santé, cette circulaire semble avoir pour but de désengorger un secteur public saturé. A en croire les professionnels du secteur, loin de régler les problèmes posés par l'affaire de Djelfa, elle ne fera qu'en créer d'autres. Le médecin libéral «n'est ni préparé ni équipé pour gérer l'urgence» «Le médecin libéral de cabinet n'est nullement préparé ni équipé pour gérer l'urgence puisque des gestes médicaux simples, comme faire une injection ou placer une perfusion lui sont formellement interdits», signale le syndicat, précisant qu'une «véritable urgence risque de s'aggraver en transitant par un cabinet médical au lieu d'aller directement au service des urgences de l'hôpital eu égard au temps perdu». Il rappelle que le traitement d'une urgence nécessite une structure pluridisciplinaire à même de prendre en charge de manière optimale un malade sans avoir à le déplacer sans arrêt, ce que le cabinet médical ne peut offrir. «Qu'en est-il de la sécurité du médecin de garde, seul dans son cabinet en pleine nuit ?» se demande le Dr Ould Rouis, secrétaire général du syndicat, en commentant le communiqué rendu public hier pour alerter l'opinion publique sur une cascade d'autres questions importantes non prises en charge par la circulaire. «Et lorsque ce médecin est une femme ?» «En cas d'urgence dépassant les compétences et les moyens du médecin, quels sont les dispositifs mis à sa disposition pour assurer la continuité des soins et le transfert médicalisé vers un milieu spécialisé ? Qui assumera la responsabilité pénale en cas de complications ou de décès d'une urgence au cabinet ?» peut-on encore y lire. Autant de questions que le syndicat souhaite discuter avec la tutelle. Il a d'ailleurs formulé une demande d'audience au ministère il y a une semaine pour clarifier les missions et les conditions d'application de ce système de garde instauré à la hâte. Sans réponse. Pourtant, pour le syndicat, cette mesure est estimée dangereuse autant pour les médecins que pour les patients. «Nous sommes face à un choix, prendre le risque d'ouvrir nos cabinets en pleine nuit et faire face à l'insécurité tout en étant incapables de gérer l'urgence parce que nous ne sommes pas équipés pour… et celui de refuser de le faire et d'encourir des sanctions», explique le Dr Benbraham Mustapha, président du syndicat. Pour lui, soumettre les médecins à ce choix est une véritable offense.