Depuis le début des réformes économiques, en 1988, le secteur public économique ne cesse de faire parler de lui. De multiples réformes eurent lieu en commençant par la fameuse autonomie des entreprises ; et jusqu'à l'heure actuelle, la recherche d'une méthodologie de traitement est toujours d'actualité. La question est souvent traitée d'une manière dogmatique et non pragmatique. En premier lieu, il faut faire la part des choses. Quelque 20 à 30% des entreprises publiques demeurent viables. Elles doivent recevoir des crédits pour accompagner leurs développements. Leurs managers et leurs cadres doivent recevoir des rémunérations plus avantageuses. Mais les 70% des entreprises ou plus en situation de faillite doivent être traitées différemment. Nous avons besoin d'une analyse qui fait la part des choses. Un discernement finement opéré est nécessaire. On ne peut pas mettre toutes les entreprises dans un même lot et opérer un raisonnement en vase clos sur les perspectives de développement du secteur public. Deux approches extrêmes sont à éviter. Le point de vue militant et celui de l'ultralibéralisme. En fait, les pays émergents ont évité l'un et l'autre des deux pièges. Le premier consiste à continuer à injecter des ressources dans des entreprises déstructurées, sous-gérées, sous prétexte que c'est l'Etat qui est responsable de cette situation par ses nombreuses décisions incohérentes. Certes, la centralisation excessive, les nombreuses injonctions et des décisions intempestives ont induit des conséquences néfastes sur les modes de management et la finance des EPE. Mais l'Etat continuera toujours à opérer de la sorte. Espérer le contraire serait naïf. La culture économique d'un pays se mue rarement en mode d'efficacité. Cela n'est pas impossible. Mais tout simplement rare. Il faut des conditions objectives pour que cela se produise. Or, ces dernières n'existent pas. Parmi ces conditions figure le passage, en haut lieu, d'un management par les tâches à une gestion par les résultats. Le traitement du secteur public jusqu'à présent Puisque les conditions scientifiques que nous connaissons pour un redressement global du secteur public ne sont pas encore satisfaites, il serait dangereux de continuer à opérer de la même manière en espérant des résultats différents. Einstein disait que la folie consiste à espérer que les mêmes paramètres peuvent donner des résultats différents. L'approche militante qui consiste à toujours injecter des ressources pour redresser un secteur public, en grande partie moribond, ne peut déboucher que sur une paupérisation de tout le pays, processus dangereux surtout en période de réduction des ressources extérieures. Malgré la «noblesse de la position» qui consiste à essayer de sauvegarder les emplois et l'outil de production, les adeptes de la solution du toujours des assainissements ne savent pas qu'en fin de compte ils détruisent des emplois et appauvrissent l'économie nationale. Nous avons besoin d'études précises sur le processus. Les chiffres dont nous disposons sur les coûts des différents assainissements et crédits effacés aux EPE depuis 1980 varient de 80 à 180 milliards de dollars. Le secteur public économique produit quelque 15 milliards de dollars hors hydrocarbures par an et emploie presque 480 000 personnes. Si on prenait uniquement l'estimation minimale de 80 milliards de dollars, cette somme aurait pu nous permettre de créer plus d'un million d'entreprises qui emploieraient plus de trois millions de personnes avec une production d'au moins 70 milliards par an. Cette situation devient intenable. La seconde approche ultralibérale qui consiste à presque tout privatiser ferait l'erreur de considérer que nous avons là une solution miracle. Une privatisation mal menée pourrait aboutir à des problèmes aussi graves que les interminables injections de ressources qui appauvrissent les citoyens et qui ne redressent en rien les entreprises publiques économiques. Les entreprises peuvent être bradées à des personnes ou des institutions elles-mêmes sous-gérées ou dont l'intérêt n'est pas compatible avec celui du pays. La privatisation ne peut être une solution que si elle est menée en toute transparence en direction d'entités de classe mondiale qui respectent un cahier de charges, lequel oriente les actions des repreneurs en vue de booster la compétitivité des EPE.
Expériences et leçons La problématique du secteur public est complexe, même si de nombreuses personnes pensent détenir intuitivement la solution. Beaucoup de pays ont failli dans le processus de redressement de leur secteur public (Ukraine, Belarus, etc.). Mais de nombreux autres ont trouvé des solutions judicieuses : Chine, Pologne, Hongrie, etc. Il n'y a pas de solution miracle valable en tout temps et en tout lieu. Mais il y a bien des principes qui peuvent nous permettre de faire le moins d'erreurs possibles. La Chine, qui était un pays super étatisé, nous offre de belles leçons qui doivent être adaptées avec discernement. Deux éléments majeurs avaient guidé les décisions des pouvoirs publics. Le premier concerne le traitement des entreprises publiques. Ces dernières – mis à part une vingtaine d'entreprises stratégiques – sont mises au même niveau que les entreprises privées. Celles qui réussissent auront des ressources pour se développer même à l'international et propulser les capacités productives du pays au niveau de la productivité mondiale, le système étant très ouvert. Mais la faillite est la règle et l'assainissement l'exception. Ainsi, les managers sont avisés. Ils ne peuvent en aucun cas utiliser les ressources du peuple pour corriger leurs erreurs managériales ou celles de l'Etat. Le deuxième axe consiste à gérer les craintes du syndicat et des travailleurs qui sont tout à fait humaines, normales et donc à prendre sérieusement en considération. En cas de privatisation ou de dissolution des entreprises, les ressources humaines qui la composent subissent des formations/repositionnements (dans d'autres firmes), obtiennent des crédits à la création d'entreprise et toutes sortes d'appuis afin de ne pas laisser des êtres humains sans ressources. Alors, il est facile de privatiser ou de restructurer. Ainsi, le secteur public qui représentait presque 100% de l'économie chinoise au début des années 1980 constitue à peu près 30 à 35% du total de l'économie. Le blocage vient du fait que nous n'avons pas de doctrine en matière de traitement du secteur public. D'un point de vue managérial, il y a beaucoup d'améliorations à apporter. Aussi, les partenaires sociaux n'ont aucune vision sur le traitement du personnel en poste. Des personnes peuvent se trouver sans ressources et sans emploi après avoir épuisé les maigres compensations liées aux licenciements. Elles vont donc lutter de toutes leurs forces contre le changement. Le système se grippe. Mais beaucoup de pays ont mis en place des mécanismes pour sécuriser les partenaires sociaux et faire sortir l'économie du piège mortel des assainissements sans fin. Les partenaires sociaux et l'Etat peuvent se mettre d'accord sur les grands principes qui nous permettraient de sortir de cet engrenage dangereux.