Le président russe, Vladimir Poutine, est arrivé hier à Ankara pour des discussions avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, axées sur la Syrie, l'Irak et un contrat d'armement qui inquiète l'Occident. Cette brève visite survient sur fond de réchauffement des relations entre Ankara et Moscou depuis 2016, après une grave crise diplomatique provoquée par la destruction, en novembre 2015, d'un bombardier russe par la chasse turque à la frontière syrienne. Lors de cette rencontre, les deux dirigeants «s'entretiendront des relations bilatérales entre la Turquie et la Russie, ainsi que des questions régionales (...) à commencer par la Syrie et l'Irak», a indiqué, mercredi, la présidence turque. M. Poutine est arrivé à Ankara en début de soirée, selon les médias turcs. Les deux dirigeants doivent dîner ensemble, avant de s'isoler pour un entretien qui sera suivi d'une conférence de presse prévue à 18h30 GMT, selon la présidence turque. La Turquie et la Russie, qui soutiennent des camps opposés en Syrie, ont mis leurs divergences de côté ces derniers mois pour tenter de parvenir à un règlement mettant fin au conflit syrien, qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 2011. Moscou et Téhéran, alliés du régime de Damas, et Ankara, qui soutient les rebelles, ont annoncé, le 15 septembre à Astana, un accord pour déployer ensemble des forces de maintien de l'ordre dans la zone de désescalade d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, et dans «certaines parties» des régions de Lattaquié, Hama et Alep. Selon le Kremlin, M. Poutine a insisté, lors d'un entretien téléphonique avec M. Erdogan lundi, sur le fait que la mise en œuvre des «zones de désescalade» en Syrie était susceptible d'ouvrir la voie à un règlement politique du conflit. Alliance L'autre dossier régional brûlant est le référendum d'indépendance du Kurdistan irakien, auquel Ankara s'est vivement opposé, de peur que la création d'un tel Etat n'encourage les velléités indépendantistes au sein de l'importante minorité kurde de Turquie. La Russie, en revanche, qui compte d'importants intérêts économiques au Kurdistan, s'est montrée plus réservée, affirmant considérer «avec respect les aspirations nationales kurdes». Moscou considère toutefois «que les disputes entre Baghdad et Erbil doivent être résolues par le dialogue avec l'objectif de trouver une formule de coexistence au sein de l'Etat irakien», a relevé le ministère russe des Affaires étrangères. «La Russie s'est gardée de formuler une position claire sur cette question et la Turquie pourrait vouloir obtenir des garanties», estime Timur Akhmetov, expert basé à Ankara de la Russian Internationl Affairs Council. La visite de M. Poutine à Ankara intervient en outre deux semaines après l'annonce par M. Erdogan d'un contrat majeur avec la Russie portant sur l'achat de systèmes de défense antiaérienne S-400. Cette nouvelle, en plein climat de tensions entre Ankara et plusieurs pays occidentaux, à commencer par les Etats-Unis et l'Allemagne, a suscité l'inquiétude des partenaires de la Turquie au sein de l'Otan. M. Erdogan a affirmé qu'un contrat portant sur l'acquisition de S-400 par la Turquie avait été signé et qu'une caution avait été versée, mais la question du financement semble encore à régler. Le sous-secrétaire d'Etat turc chargé de l'Industrie de la défense a d'ailleurs reconnu, cette semaine, que la livraison des S-400 prendrait au moins deux ans. «Nous sommes en cours de négociation pour accélérer le calendrier», a déclaré Ismail Demir. Mais en dépit du spectaculaire rapprochement constaté ces derniers mois, les relations entre les deux pays ne constituent pas à ce stade une alliance stratégique. «Les relations entre la Russie et la Turquie peuvent sembler amicales, mais elles sont pleines de contradictions et devraient rester instables à court terme», écrivent ainsi, dans une récente note, les chercheurs Pavel Baev et Kemal Kirisci, de l'institut Brookings.