La 3e édition du Prix Assia Djebbar a été organisée le jeudi 21 décembre au Centre international des conférences CIC Abdelatif Rahal, au Club des pins à Alger, et ce, en présence d'hommes de lettres, du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, du ministre de la Communication, Djamel Kaouane, ainsi que des membres du gouvernement. Noureddine Saadi, disparu il y a plus d'une semaine, a reçu le prix Assia Djebbar en langue française pour son roman «Boulevard de l'abîme» paru aux éditions Barzakh. Le pitch ? Une femme d'origine algérienne est retrouvée morte dans son appartement à Paris. Tout porte à croire qu'il s'agit d'un suicide mais l'inspecteur chargé de l'enquête, fasciné par cette femme, fouille le carnet où elle retranscrit ses séances de psychanalyse et ses rêves. Il reconstitue peu à peu le puzzle de sa vie et toutes les pièces le ramènent à son passé à lui, lorsqu'il était engagé, en tant qu'appelé, dans la guerre d'Algérie. Un souvenir en particulier lui revient : la vaste campagne de «fraternisation» avec la population à laquelle il a, malgré lui, participé et qui a tourné au cauchemar. En croisant les récits et les points de vue - ceux de la victime, d'un ex-amant, avec lequel la défunte a vécu une histoire passionnée, et de l'inspecteur enfin. Le prix Assia Djebbar en amazigh a été remis à Mustapha Zaarouri pour «D wagi i d assirem-iw» (c'est ça mon espoir). Notre confrère et auteur Merzak Begtache a été le récipiendaire du Prix Assia Djebbar du roman en arabe pour «El Matar Yaktoub Massitatihi (La pluie écrit ses mémoires), paru aux éditions ANEP.
La balle assassine et le miraculé Merzak Begtache, 72 ans, à l'aise dans les deux langues, arabe et français, ayant traduit un de ses pairs, Rachid Boudjedra, en arabe notamment, s'est dit honoré et touché par cette distinction : «Je suis honoré par ce prix. D'autant plus que j'ai présidé la deuxième édition. J'avoue que je craignais pour l'avenir de ce prix. Finalement, nous en sommes à la 3e édition. Il ne fait que grandir. Pourquoi pas une dimension internationale tel le «Man Booker Prize» (récompense littéraire britannique) ? Cela m'honore car j'ai connu la grande Assia Djebbar dans les années 1970. Une grande écrivaine. Ma raison de vivre est de lire et écrire…». Victime d'un attentat terroriste, le 31 juillet 1993, Merzak Begtache est grièvement blessé. Il recevra une seule balle. Elle traversera sa nuque pour fracasser la mâchoire et sortir par la joue droite. Miraculé, il survivra : « J'ai souffert le martyre. J'avais la bouche bloquée pendant 45 jours. J'étais alimenté par un tube. Je remercie infini-ment les médecins de l'hôpital d'Aïn Naâdja d'alors. Ma femme m'a beaucoup soutenu et par la suite mes enfants. Je pardonne à ces ter-roristes, des jeunes. Mais jamais aux commanditaires de cet attentat. Je suis un journaliste. Je continue à lire et écrire…». Et pour cause, Merzak Begtache était, hier matin, en face de son ordinateur, muni d'une loupe grossissant les lettres. Des traits de caractères… trempés dans de l'encre de sublimation. Une nouvelle histoire. Des projets plein la tête. Et, à la clé, un recueil de nouvelles en français, des romans, oui, plusieurs en langue arabe, des traductions, des articles de presse… Pour pasticher son titre (La pluie écrit ses mémoires), il pleut des pages toujours (dans son cœur, comme dirait Verlaine). Des feuilles pas du tout mortes mais vivantes. Des bonnes feuilles.