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Devoir de résultat sur fond de hantise de la sanction pénale
Managers des entreprises publiques
Publié dans El Watan le 05 - 02 - 2018

Aujourd'hui que la crise qui s'abat sur le pays depuis de longs mois a tendance à s'aggraver davantage et que les décisions économiques pourraient se radicaliser, le gouvernement s'est retrouvé contraint de se tourner, entre autres, vers les managers des entreprises publiques, les sommant de redoubler d'efforts, d'oser entreprendre aux fins d'améliorer leurs performances financières.
Quand bien même la volonté y serait, sur leur tête plane toujours le spectre de la sanction pénale, et ce, en dépit des quelques évolutions enregistrées sur ce plan avec les nouveaux amendements apportés au dispositif de dépénalisation de l'acte de gestion. D'aucuns y voient, toutefois, une sorte de protection «factice».
Car, comme nous l'expliquait Me Abderrahmane Boutamine, avocat pénaliste, «dépénaliser l'acte de gestion, c'est soustraire à la sanction pénale les fondamentaux du management, comme la prise de risque, la liberté d'entreprendre par l'appréciation, par le seul gestionnaire, de l'opportunité de l'acte de gestion, le devoir du gestionnaire d'assurer à l'EPE une adaptation continue aux fluctuations des marchés, de la Bourse, de l'environnement économique et social, etc.». La création de richesses pour s'affranchir de l'assistanat (aides de l'Etat) est aussi ce qui attendu de ce gestionnaire.
Mais, «... la création de richesses ne peut être possible sans un vrai business-plan dont l'application nécessite des ressources matérielles, humaines, financières et autres... A chaque étape de mise à disposition et de mise en application du plan et des ressources, le gestionnaire est appelé à prendre des décisions», insiste un ex-cadre dirigeant de l'ex-grand groupe minier Ferphos.
Et de préciser que «dans chaque décision il y a des risques. Tant que l'actionnaire n'admet pas — et des fois n'accepte pas — de laisser la liberté au gestionnaire de prendre ce risque et d'assumer avec lui le résultat et les conséquences, le gestionnaire ne sera jamais dans un état de liberté d'entreprendre. C'est encore toujours le cas en Algérie et surtout dans le secteur public», déplore-t-il. Et ce, au-delà du risque de la sanction pénale auquel s'expose le manager public.
D'autant que si à un moment, fin des années 1980, fut abandonné le crime pour «mauvaise gestion» avec la promulgation de lois sur l'autonomie de l'entreprise interdisaient et condamnaient toute immixtion dans la gestion de l'entreprise publique économique, de nouveaux concepts juridiques avaient été introduits dans le code pénal qui reviennent vers la pénalisation de l'acte de gestion.
Sont, depuis l'avènement du démantèlement des grandes plateformes industrielles et leur cession ou leur ouverture à des capitaux étrangers, en effet, de nouveau passibles de sanctions pénales les actes de gestion constitutifs du délit de «dissipation» et/ou de «perte» causés à l'entreprise sans intention criminelle. «Nous sommes dans la notion de ‘‘mauvaise gestion''.
On confie au juge le pouvoir d'apprécier l'opportunité de l'acte de gestion des années après et sans considération du contexte Ces notions d'interprétation non restrictives n'offrent aucune sécurité juridique», prévient Me Boutamine.
Epée de Damoclès
Considérant les poursuites judiciaires en cascade ayant ciblé d'anciens cadres gestionnaires algériens et l'issue qui ne fut pas heureuse pour la plupart d'entre eux, la question de la dépénalisation de l'acte de gestion revient tel un leitmotiv. Surtout que, avec la très controversée nouvelle charte pour la dynamisation du Partenariat public-privé (PPP), à laquelle semble s'attacher le gouvernement Ouyahia, c'est l'histoire amère des années 1990-2000 qui est susceptible de se répéter.
L'on se rappelle, en effet, lorsque Ahmed Ouyahia avait «dégainé la sulfureuse» contre les dirigeants d'entreprises via sa fameuse campagne de «moralisation de la vie publique» et s'était sinistrement refermée par l'incarcération de près de 6500 cadres gestionnaires dont environ 85% ayant, par la suite, été relaxés ou bénéficié d'un non-lieu.
D'autres étant décédés pendant leur détention provisoire, sans jamais avoir obtenu d'audience d'inculpation ni de jugement. Et ce fut sous la pression de nombre d'ex-managers publics injustement incarcérés, d'avocats, de militants des droits de l'homme et même de magistrats qu'il sera décidé, bien des années après de soustraire à la sanction pénale l'acte de gestion.
Mieux, y ont été également introduites des réformes, conférant aux organes sociaux le pouvoir exclusif d'appréciation en matière de mise en mouvement de l'action publique en cas d'infractions pénales «commises au préjudice d'une entreprise économique, dont l'Etat détient la totalité des capitaux ou d'une entreprise à capitaux mixtes».
Avec la nouvelle donne économique, c'est la hantise qui s'est déjà emparée des managers des quelques entreprises publiques restantes actuellement dans le viseur du Premier ministre et de ses alliés du FCE/Centrale syndicale. D'où les appels des juristes à la nécessité de se prémunir contre les risques et les conséquences des fautes ou des erreurs de gestion vu les décisions majeures qu'ils pourraient être appelés à prendre dans un contexte économique en plein chamboulement.


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