Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aissa a appelé, jeudi, les imams à investir les réseaux sociaux pour lutter contre l'extrémisme et le phénomène sectaires et promouvoir les véritables préceptes de l'Islam. Cité par l'APS, le ministre, qui s'exprimait lors d'une rencontre avec des responsables de son secteur et des imams, estime que la société a besoin "d'un discours modéré d'éducation et de sensibilisation visant à ancrer l'amour de la patrie chez les Algériens et leur rappeler les vertus de la stabilité, d'autant que l'Algérie a vécu dans les années 90 une période difficile". Selon Aïssa, le message des imams passera mieux sur les réseaux sociaux d'autant que 33% des Algériens, soit 14 millions, utilisent Facebook. La feuille de route est dors et déjà tracée : les pages qui seront ouvertes au nom des mosquées seront un "rempart" face au discours de haine, au port d'armes, de division, de sectarisme et d'athéisme ciblant les Algériens de façon méthodique et sous différentes formes. Pour le ministre, les imams doivent "diffuser des prêches et des avis unifiés sur les questions qui concerne la nation". L'idée d'inciter les quelque 23 000 imams à investir les réseaux sociaux n'a pas que des soutiens. Le président de la Coordination nationale des imams et des fonctionnaires des Affaires religieuses, Djelloul Hedjimi, estime que le ministre doit penser à financer l'opération « si elle s'avère obligatoire ». « S'il s'agit d'une injonction, et donc d'un acte obligatoire et non pas facultatif, le ministère doit dégager des dotations financières pour l'opération. Les imams sont payés entre 30 et 40 000 DA, et ils ont à charge des familles. Donc, il doit y avoir des instructions aux directions d'Algérie Télécom et aux opérateurs pour prendre en charge les connexions », suggère dans une déclaration à El Watan, M.Hedjimi. Un Amr Khaled algérien ? D'aucuns s'interroge sur la pertinence de l'appel du ministère à ses imams dont certains, utilisateurs déjà, comme le confirme le président de la coordination, de Facebook. Au delà de l'aspect financier mis en avant par le très médiatique Hedjimi, il y a la question de la liberté dont disposeraient les fonctionnaires, du contenu de leurs messages publiés en direction des abonnés, et du contrôle a posteriori qui pourrait être exercé sur ce contenu. Le ministère voudrait-il inciter ses fonctionnaires à prendre exemple sur des télécoranistes orientaux, à l'instar de Amr Khaled, El-Arifi, Adnan Ibrahim, présents en force sur Facebook, Twitter et même YouTube, avec très souvent une importante logistique et des millions d'abonnés ? L'administration centrale des Affaires religieuse peut-elle décréter à la hussarde une telle décision alors que son premier responsable et ses propres services n'ont aucune visibilité sur ces réseaux, le site archaïque du ministère, www.marw.dz, tombant souvent en panne ? La loi régissant la fonction d'imam en Algérie le permet-elle et dans quelle limite ? Les services de Mohamed Aïssa n'ignorent pas que des prédicateurs algériens, surtout ceux du courant salafistes, disposent déjà de pages Facebook, dont le contenu fait concurrence au discours officiel diffusé dans les mosquées et les médias publics et privés par des imams fonctionnarisés et parfois décrédibilisés. Exemple parmi d'autres : le leader salafiste cheikh Mohamed Ali Ferkous, dont le site internet, ferkous.com, et ses différentes déclinaisons sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook, sont très largement suivis. D'autres « douat », proches de la mouvance des Frères musulmans, sont très actifs, et diffusent des fetwas parfois contraires à celles qui ont l'onction de l'administration. Les prêches très violents de Abdelfattah Hamadache, utilisateur très assidu de Facebook, renseignent sur le retard dans l'appropriation des applications du Web 2.0.