Les autorités ne jugent plus utile d'autoriser de nouveaux partis à activer dans le pays. Aucune explication sérieuse n'est donnée pour dire à l'opinion nationale le refus d'agréer des partis comme le Front démocratique (FD) ou Wafa. Récemment, dans un débat à la radio, le ministre de l'Intérieur s'est étonné que les journalistes s'inquiètent de cette situation, alors que les premiers ne s'en offusquent guère. Est-ce vrai ? Officiellement, aucun haut responsable n'a pris la parole pour annoncer que l'Etat algérien a bloqué le multipartisme pour une raison ou une autre. La tentation d'arriver à cette fin n'a jamais cessé depuis 1992. La dernière « affaire » du FLN, avec l'invalidation du 8e congrès du parti par l'instrument de la justice pour les besoins de la propagande électorale, a démontré que l'activité partisane est mise sous contrôle direct de l'Administration. Quelle différence avec l'époque du parti unique ? Aucune. L'autonomie des partis est mise entre parenthèses. Le désir de les mettre au pas, à travers les ressorts sécuritaires traditionnels, est permanent. Qui aujourd'hui fait attention au travail du Parlement ? La philosophie suivie depuis un certain temps est de « diaboliser » l'action partisane ou, à défaut, la « ridiculiser » pour la vider de toute substance. La fermeture du champ politique n'est pas une vue de l'esprit. Cette situation est entretenue par un travail psychologique régulier de mise en accusation des élus. Si rien ne marche dans la commune ou même dans la wilaya, c'est - fatalement - la faute aux élus. Pas aux walis ni ou aux chefs de daïra qui, dans la plupart du temps, ont droit de vie et de mort sur tout. Les prérogatives limitées des élus ne sont jamais évoquées. Les pouvoirs exorbitants des responsables désignés, et ceux moins apparents, sont considérés comme « incontournables » pour la gestion des affaires des citoyens. Cette manière de « gérer » les affaires provoquent depuis des mois des émeutes cycliques. Autant parler d'échec récurrent. Ces émeutes ou expressions publiques de colère sont accueillies froidement, parfois avec mépris, par les décideurs centraux d'Alger. Il est vrai que souvent le travail de certains élus laisse à désirer à cause de l'incompétence, la bureaucratie et la corruption. Il est vrai aussi que quelquefois les partis choisissent mal leurs représentants au niveau local ou même au niveau national. Aucun compte n'est demandé à ces élus au sein des instances des partis. Des partis qui, pour la plupart, ont besoin de « secouer » le fonctionnement interne des structures pour revenir aux règles démocratiques élémentaires. L'obéissance aveugle aux chefs ou aux directives extérieures n'est pas une manière de gérer un parti. La tenue régulière des congrès et le renouvellement des cadres dirigeants sont nécessaires, mais non un luxe. La remise à jour des idées et des propositions est obligatoire pour les partis. Accepter le verrouillage du champ politique, qui paraît contraire aux engagements internationaux de l'Algérie, comme une fatalité est une erreur. L'action partisane exige le combat et le sacrifice. L'effet « anesthésiant » du 8 avril 2004 passera. Et l'Algérie ne peut devenir une dictature. Elle ne le sera pas même si les tentations sont fortes. Aussi, les partis, ceux à classer parmi l'opposition, sont-ils devant l'obligation de « revoir » leurs méthodes de travail. D'occuper le terrain en permanence. De sortir du piège du ghetto. Piège mortel dans un pays sous l'état d'urgence. Ces partis ont besoin aussi de rompre avec l'ère glaciaire de la communication. Avec la chaise vide. Avec la fuite en avant. Tous les thèmes peuvent faire l'objet de débat. Et le débat, il faut lutter pour le créer, l'imposer et l'institutionnaliser. C'est peut-être le seul moyen de dévitaliser l'attirance vers le pouvoir personnel et vers la nostalgie du parti unique.