La Somalie ne vit pas une guerre, mais plusieurs comme en témoigne encore le bombardement américain visant selon les Etats-unis une installation du réseau d'Al Qaîda. C'est un pays qui vit plusieurs conflits à la fois depuis la chute de l'ancien régime en 1991, et la fuite du président de l'époque Mohamed Siad Barre. Depuis cette date, le pays a été pris en main par des seigneurs de guerre qui ont substitué leur loi à celle de l'Etat. Le pays s'est fracturé en deux d'abord avec la sécession du Somaliland, jamais reconnu par la communauté internationale, et ensuite en plusieurs territoires. Des solutions ont bien été avancées, avec même des interventions étrangères qui ont tourné parfois au fiasco comme l'opération Restore hope lancée par les Etats-unis en 1992. Que dire alors de la guerre actuelle lancée du moins avec le soutien de l'armée éthiopienne ? Beaucoup en sont perplexes, voire même sévères dans leurs analyses, parlant soit d'une guerre par procuration, c'est-à-dire pour d'autres puissances, soit d'une volonté de puissance du voisin éthiopien, avec lequel les relations sont déjà marquées par une première guerre, celle de l'Ogaden de 1977 que l'on présentait comme faisant partie de la guerre froide. Une bien vieille histoire. Le président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed a fait son entrée lundi dans Mogadiscio pour la première fois en tant que chef de l'Etat dans la capitale, où il n'était pas retourné depuis près de 20 ans. M. Yusuf est arrivé à l'aéroport international de Mogadiscio, tenu depuis le 28 décembre par les troupes éthiopiennes et gouvernementales somaliennes qui ont mis en déroute les forces des tribunaux islamiques maîtresses de la capitale depuis juin-juillet 2006. Le président, élu à Nairobi en 2004 par les parlementaires somaliens, n'avait pu venir dans la capitale depuis son élection, tout d'abord en raison de l'hostilité de chefs de guerre qui ne reconnaissaient pas son autorité, puis — après la défaite de ces derniers face aux forces des tribunaux islamiques — du fait du conflit entre les institutions de transition somaliennes et les islamistes. Son dernier séjour dans la capitale somalienne date même de 1978. Abdullahi Yusuf Ahmed avait alors fui la ville pour sa participation présumée à une tentative de coup d'Etat contre l'ancien dictateur Mohamed Siad Barre, dont le renversement en 1991 a marqué le début de la guerre civile. Le 18 septembre 2006, il avait échappé à un attentat à Baidoa, ville du centre du pays où le gouvernement siégeait, faute de pouvoir s'imposer dans Mogadiscio tenue par les islamistes. L'arrivée du président dans la capitale marque la volonté des institutions de transition d'asseoir leur autorité sur le pays après la défaite des islamistes. La partie ne s'annonce pas de tout repos, car l'engagement de l'Ethiopie risque de compromettre toute perspective de paix et de retour à l'ordre dans ce pays ravagé par la violence. Même s'il est passé sous silence, celui-ci enfreint également la résolution 1725 adoptée le 6 décembre 2006 par le Conseil de sécurité, qui interdit aux pays voisins de déployer des troupes en Somalie. L'impact de cette implication risque d'être aggravé par la décision du Conseil de sécurité de l'ONU de lever en partie l'embargo sur les armes en Somalie, en vigueur depuis janvier 1992. Cet embargo n'a jamais été vraiment efficace,il faut bien en convenir. Rien, d'un autre côté, n'assure le succès de l'opération de réconciliation, car, estiment de nombreux observateurs, si le gouvernement de transition, mis en place en 2004, avait été uni, discipliné et efficace, l'Union des tribunaux islamiques (UTI) n'aurait pas été en mesure de le chasser au cours de l'année 2006. Le gouvernement transitoire s'épuise depuis des mois en querelles stériles et se trouve dans l'incapacité totale de fonctionner. Quant à l'Ethiopie, elle affirme que si ses soldats sont en Somalie, c'est pour combattre le terrorisme international. Un argument bien commode, appuyé par cette déclaration du nouveau président qui déclarait que les Américains « ont le droit » de mener des attaques aériennes contre des membres d'al Qaîda « partout dans le monde ». « Les Américains ont le droit de mener des attaques aériennes contre des membres d'al Qaîda où qu'ils se trouvent », a affirmé le président au cours d'une conférence de presse, après le raid aérien américain de lundi contre des positions d'islamistes dans l'extrême sud de la Somalie. « Les Américains traquent les terroristes d'al Qaîda partout dans le monde et (l'attaque de lundi) en fait partie », a-t-il ajouté. L'armée américaine a mené lundi plusieurs attaques aériennes dans le sud de la Somalie contre des islamistes soupçonnés d'avoir des liens avec al Qaîda, selon le ministre de l'Information somalien, Ali Jama. Depuis leur fuite de Mogadiscio le 28 décembre et de Kismayo (sud), le 1er janvier devant l'avancée des forces éthiopiennes et somaliennes, les islamistes sont traqués dans l'extrême sud de la Somalie, près de la frontière kenyane fermée. Des navires américains patrouillent au large des côtes pour empêcher leur fuite par la mer. Ce sont donc ces guerres qui marquent l'histoire contemporaine de ce pays qui a aussi le triste privilège de figurer parmi les plus pauvres de la planète. Ou encore de ne jamais manquer d'armes.