Des raids ont été menés par des avions US contre des bases en Somalie présumées abriter des éléments d'Al Qaîda. La déroute des islamistes somaliens chassés par les forces du gouvernement transitoire de Somalie, puissamment appuyées par l'armée éthiopienne, a ouvert une nouvelle donne en Somalie déchirée par seize années de guerre civile dont l'une des retombées est la sécession de la Somalie du nord, érigée en Etat «indépendant» le «Somaliland», Etat non reconnu par la communauté internationale. Mais aujourd'hui, c'est la décantation qui a eu lieu dans les régions jusqu'alors occupées par les milices des tribunaux islamiques qui change la donne dans ce pays meurtri par la guerre et les divisions. Cette situation nouvelle a permis, notamment, à l'armée américaine d'effectuer son retour en Somalie par des attaques contre des bases présumées d'Al Qaîda au sud de ce pays. Ainsi, selon des sources du gouvernement transitoire, l'armée US a mené, lundi, plusieurs attaques aériennes dans le sud en ciblant «des terroristes». Le ministre de l'Information, Ali Jama, a indiqué, hier, que «selon les informations dont nous disposons, quelques autres endroits près de la frontière kenyane ont été touchés durant les attaques américaines». Peu auparavant, le gouvernement transitoire somalien a fait état d'un premier raid américain. Il y aurait eu beaucoup de morts selon les mêmes sources. Ces attaques de l'aviation américaine en Somalie constituent, en fait, un retour des Etats-Unis dans un pays où ils ont connu leurs échecs militaires les plus retentissants, symbolisés par le désastre de l'opération «Restore Hope» (Rendre l'espoir) en 1992 qui a lamentablement échoué. De fait, depuis le début des années 1990, les Etats-Unis sont intervenus à plusieurs reprises dans ce pays, marqué par de sanglantes guerres civiles, en chasse d'Al Qaïda dont des éléments ont (ou auraient) trouvé (s) refuge en Somalie, faisant de ce pays une base arrière «terroriste» selon Washington. En 1992, alors que la Somalie, en pleine guerre civile, est laminée par la famine, les Etats-Unis, appuyés par une force multinationale internationale lancent l'opération «Restore Hope» qui a fini par tourner au cauchemar pour les 38.000 soldats dont 28.000 Américains. Les chefs de guerre somaliens outre de tenir en échec «l'invasion» commandée par les Etats-Unis, lui ont fait subir des échecs cuisants. Les Nations unies qui prennent la relève en 1993 dans le cadre de l'opération Onusom II ne connaissent pas un sort meilleur et doivent rebrousser chemin sans réussir à accomplir la mission consistant à sécuriser les ports et aéroports devant permettre l'acheminement de l'aide humanitaire internationale. Ce sont, encore, les soldats américains qui constituent la majorité des Casques bleus de l'ONU. Au moins 115 Casques bleus sont morts dans une opération qui tourne au fiasco. Les Américains qui ont, vainement, tenté de mettre la main sur le général Mohamed Fatah Aïdid -l'homme fort de Mogadiscio, qui menait la guérilla aux alentours de la capitale- y perdent de nombreux soldats. Après ces échecs répétés en Somalie, Washington prend du recul et observe un profil bas attendant des jours plus propices afin de revenir à l'assaut. Toutefois, les attentats anti-américains contre les ambassades US à Nairobi (Kenya) et à Dar Es Salaam (Tanzanie), qui font 224 morts, de même que les attaques anti-américaines de 2001 déterminent les Etats-Unis à revenir à la charge contre Al Qaîda, d'autant plus que, selon les experts américains, les explosifs utilisés au Kenya et en Tanzanie proviendraient de Somalie. Dès lors, ce pays, soupçonné d'abriter un important réseau d'Al Qaîda, est placé sous haute surveillance par Washington qui attendait son heure. Dans cette perspective, les Etats-Unis installent en 2002 à Djibouti, dans la Corne de l'Afrique, à quelques kilomètres de la Somalie, leur plus importante base militaire jamais établie en Afrique. C'est de cette base que sont partis, lundi, les avions qui ont effectué des raids contre les derniers îlots islamistes, ou bases supposées d'Al Qaîda selon Washington. D'ailleurs, en décembre, lorsque l'Ethiopie a décidé d'intervenir militairement contre les tribunaux islamiques, elle reçut, outre l'accord tacite, des informations stratégiques transmises par les satellites espions américains donnant aux forces éthiopiennes de traquer les islamistes avant de les défaire. Plus, des navires de guerre américains prennent position au large du golfe d'Aden coupant toute possibilité de fuite aux islamistes acculés aux frontières du Kenya qui, de son côté, a bouclé ses frontières. Il ne restait plus à l'armée américaine qu'à achever ce que les troupes éthiopiennes avaient si bien préparé par l'attaque de ce qui subsistait des bases islamistes supposées abriter des éléments d'Al Qaîda. Ce que fit, lundi, l'armée US. Justifiant l'intervention américaine, le président somalien, Abdullahi Yusuf Ahmed a estimé, hier, à Mogadiscio -ou il est arrivé, lundi, pour la première fois depuis sa désignation à la tête de l'Etat- que les Américains «ont le droit» de traquer les membres d'Al Qaîda «partout dans le monde» indiquant «Les Américains ont le droit de mener des attaques aériennes contre des membres d'Al Qaîda où qu'ils se trouvent». Un chapitre de la sombre et sanglante histoire de la Somalie est-il clos? Les jours à venir diront sans doute si cette «victoire» sera celle du peuple somalien, ou si, comme les précédentes interventions étrangères, elle sera éphémère et sans impact sur le devenir de la Somalie.