Afin de briser les grèves, de plus en plus fréquentes, les autorités semblent avoir trouver la parade : remplacer les grévistes par des employés d'autres secteurs ou par des personnes au chômage. Alors que des dizaines d'officiers sont en grève pour une période de trois semaines, à l'appel du Syndicat national des officiers de la marine marchande (le SNOMMAR, une organisation autonome), les quatre car-ferries de l'Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV) continuent à être exploités sans perturbations notables. Pour cause, l'employeur a décidé de recruter des officiers de la Compagnie nationale de navigation (CNAN Group) pour assurer le transport des passagers. Une pratique « illégale », accuse le SNOMMAR, qui a introduit une action en justice en référé au niveau du tribunal d'Alger. Après avoir entendu les deux parties en conflit, le tribunal devra rendre son verdict aujourd'hui. Le syndicat des officiers brandit à l'appui de ses accusations la loi 90-02 du 6 février 1990 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l'exercice du droit de grève. Dans son article 33, la loi en question dispose : « Sauf dans les cas de réquisitions ordonnées par les autorités administratives ou de refus des travailleurs d'exécuter les obligations découlant du service minimum (...) est interdite toute affectation de travailleurs par voie de recrutement ou autrement, destinée à pourvoir au remplacement des travailleurs en grève. » L'atteinte au droit de grève par le biais du recrutement, fait que le syndicat reproche à la direction général de l'ENTMV, est passible d'une peine de huit jours à deux mois d'emprisonnement et à une amende allant de 500 à 2000 DA. « Lorsque les atteintes à l'exercice du droit de grève sont accompagnées de menaces, violences et/ou voies de fait, ces peines sont fixées de six (6) mois à trois (3) ans d'emprisonnement et de 2000 à 50 000 DA ou de l'une de ces deux peines », précise l'article 55 dans son alinéa 2. C'est justement ce que dénonce le SNOMMAR, l'utilisation de la force pour débarquer les officiers grévistes dans les ports d'Oran, Skikda et Annaba. Il soutient également que le service minimum auquel il est astreint est celui d'assurer la garde des bateaux à quai. Le remplacement des officiers grévistes de l'ENTMV n'est pas un cas isolé. Quelques mois plus tôt, c'était aux enseignants du secondaire et du technique d'être soumis à la même mesure. Devant leur refus de reprendre les cours et face à la menace d'une année blanche qui se profilait, le ministère de l'Education nationale avait commencé à recruter des suppléants de l'éducation afin de remplacer les enseignants grévistes. Pis, ces derniers avaient été menacés de radiation du corps enseignant. Tout comme le SNOMMAR, le Conseil national autonome des enseignants de l'enseignement secondaire et technique (CNAPEST), ce syndicat (non encore agréé) ayant appelé à cette grève, avait dénoncé cette atteinte au droit à la grève. Face à la dégradation du droit à l'exercice syndical, huit syndicats autonomes ont créé le Comité national pour les libertés syndicales (CNLS) afin d'unifier leurs rangs. Dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) a exprimé son soutien aux officiers de l'ENTMV, comme il l'avait fait auparavant avec le CNAPEST. Le CNES insiste sur « le combat pour la défense de l'exercice du droit syndical et du droit de grève ». Quant à l'illégalité des grèves, argument opposé par les autorités, le représentant du CNLS, M. Besbas, réplique tout de go : « Avez-vous déjà vu une grève considérée comme étant légale en Algérie ? »