Djaieh, qbih ou majnoun, un spectacle avec lequel le théâtre régional Azzedine Medjoubi de Annaba avait concouru lors du dernier Festival national de théâtre professionnel. Aussitôt le spectacle commencé, les téléphones mobiles ont fonctionné à merveille, le petit nombre de spectateurs qui avait pris place dans la salle de la maison de la culture avait vite fait d'ameuter ceux qui n'avaient pas fait le déplacement. Le raté, l'affreux et le dingue écrit et mis en scène par Jamal Hamouda avait accroché. C'est que l'auteur n'y est pas allé de main morte, accumulant tout ce qui peut gagner la connivence d'un public peu exigeant parce que venu pour se dérider. Hamouda, plutôt en homme de spectacle qu'en homme de théâtre, a aligné pêle-mêle le bon et le franchement au ras des pâquerettes dans des plages de monologues alternant avec des scènes où les dialogues sont des lieux de foire d'empoigne. Tout est dans une fantaisiste démesure. Jusqu'à un décor fait de bric et de broc où le clin d'œil facile est logé à belle enseigne. Et sur un soupçon d'intrigue entre conte et légende, Hamid Gouri, Toufik Mimiche et Abdelhak Benmarouf se donnent à fond sur un rythme soutenu dans des personnages impossibles. Des personnages plutôt caricaturaux que parodiques. Il fallait un brin de folie pour leur donner corps, ce dont les trois complices ont fait preuve avec jubilation. Benmarouf est une brute épaisse, tortionnaire de chat de gouttière. Son jeu est physique, carré comme son personnage. Gouri qui a été prix d'interprétation dans le rôle du majnoun ne s'est pas surpassé. Par contre, Mimiche a mis un peu plus de nuance dans son jeu, évitant la lourdeur d'un propos dont la grossièreté avait l'excuse de ne pas être vulgaire. Il reste que contrairement à ce que laisse croire le titre de la pièce, les trois frères ennemis que campent les trois acteurs ne sont pas un bon, une brute et un méchant à la façon du célèbre western spaghetti auquel Hamouda fait lourdement allusion. Ils sont plutôt affreux, sales et méchants à la manière d'une non moins fameuse comédie du 7e art italien. Ils sont tous dijiah, qbah et majanin, chacun à sa manière. Le talent des comédiens est de les avoir rendus crédibles et d'avoir fait passer les outrances d'un pastiche qui parfois vire au grotesque lorsqu'il se met à vouloir être sérieux, s'éloignant du rire gros et gras qu'il suscite. A noter qu'aux côtés des trois principaux rôles, il y avait deux nouvelles venues à la scène, Djazia et Michou, qui ont insufflé leur fraîcheur au spectacle.