A l'instar des dattes qui bénéficient, depuis octobre dernier, d'un couloir vert, des exportateurs veulent une extension pour les récoltes fruitières et les légumes. C'est ce que souhaite Gasmi Kader, importateur de son état et en prospection de nouvelles variétés en Algérie. Rencontré en compagnie d'un groupe d'exportateurs locaux, Gasmi, patron d'une entreprise du même nom et d'une autre à Marseille dénommée Victoria, diagnostique, à la lumière de son expérience sur les deux rives, les défaillances de l'agriculture algérienne sur le plan commercial. Le couloir vert pour lequel il plaide permettra d'« accélérer l'émission du bon à enlever (BAE) dans le sens où les produits sont contrôlés tant administrativement que sur le plan phytosanitaire sur site. Les cargaisons sont mises à bord des bateaux sitôt arrivées au port ». Pour M. Gasmi, présent sur les marchés de Marseille, Perpignan et Rungis, cela constituerait un gain de temps « considérable » d'autant plus que « les produits agricoles doivent être livrés frais ». Mais avant d'arriver au couloir vert, Abdi Abderrahmane, en prospection pour les marchés de la Russie, de la Biélorussie et de l'Ukraine joint sa voix à celle de M. Gasmi pour attirer l'attention sur l'absence d'une chaîne des valeurs à même de valoriser le « label Algérie ». Actuellement ils sont unanimes à le dire, il y a un besoin urgent en matière de prise en charge des activités se situant en amont et en aval de l'exploitation agricole. D'après M. Gasmi, il est important de « rééduquer » l'agriculteur sur « quoi produire ? Quand, où et selon quelles normes. Les agriculteurs devront également se mettre à niveau avec les normes européennes de production en adoptant les standards d'Euro Cap sans lesquels le produit algérien ne pourrait plus accéder au marché européen, même si vous le donnez gratuitement. C'est une sorte de visa qui sera obligatoire dans moins de deux ans. Il faut s'y mettre dès maintenant ». Un scénario dramatique, d'autant plus que les fruits et légumes d'Algérie jouissent d'avantages concurrentiels avérés. « Nous avons la possibilité de produire des primeurs et nous disposons de trois atouts stratégiques, à savoir la précocité des productions, la proximité des marchés européens ainsi que la compétitivité sur le double plan qualitatif et quantitatif », résume M. Gasmi. Il conseille, ainsi, d'aller vers « les appellations d'origine contrôlées (AOC) ». La labellisation, dit-il, sera incontournable pour « garder la porte ouverte sur les marchés étrangers, car aujourd'hui nous avons réussi à relancer, chez notre communauté expatriée en particulier, le bonheur de consommer algérien. C'est une chance ». Autant M. Abdi que M. Gasmi préconisent d'aller vers la satisfaction de niches. « Le bio en fait partie et c'est un marché pour des milliards d'euros », soutiennent nos interlocuteurs. Toujours en amont, M. Hamimour, exportateur établi à Mila et membre du groupement des exportateurs de l'Est, fait remarquer le poids des spéculateurs qui surenchérissent sur les productions avant même les récoltes. « C'est une situation qui fait flamber les prix et qui nous empêche de tenir nos engagements vis-à-vis des clients étrangers », déplore-t-il. Aussi, d'importants maillons n'existent pratiquement pas. La collecte, le calibrage, le conditionnement, l'emballage, la transformation, le transport à l'heure et la logistique nécessaires font défaut, selon ces exportateurs qui insistent sur l'apport en nouveaux emplois qu'auraient la promotion d'une telle chaîne. Les problèmes du fret, l'irrégularité des dessertes au départ des ports algériens vers Marseille ou vers d'autres destinations, la lourdeur dans l'octroi des subventions au transport, l'absence des banques dans l'accompagnement découragent les exportateurs. Conséquence : l'Algérie, avec 20% de surproduction, ne tire que 160 millions de dollars US des exportations des produits agricoles pour une production dont la valeur ajoutée atteint les 8 milliards USD, selon les données du ministère de l'Agriculture. M. Gacem conclut la rencontre en soutenant que « tous les organismes doivent suivre l'évolution du secteur pour mettre en place une dynamique d'exportation. Banques, douanes, chambres de commerce, chambres de l'agriculture et organismes d'exportation doivent jouer le jeu afin de faciliter la tâche aux exportateurs. Il y va du développement durable du pays ».