Je ne suis rien et je ne sers à rien. » Sentence entendue dans un documentaire rendant compte en France de la création d'une pièce de théâtre par des malades mentaux et la même personne qui dira à la fin de son jeu de rôle : « Je sais que je sers à quelque chose. » Le documentaire de 55 minutes montrait la mise en place d'une pièce de théâtre dans la banlieue parisienne avec les divers ateliers : jeux de rôles, compositions musicales, accessoires, décors, montage et l'implication des habitants de la cité. Projeté par l'association Graba de santé mentale le 8 mars dernier loin de toutes cérémonies collées à la date à la salle attenante au service de psychiatrie du CHU Frantz Fanon, il servait de catalyseur à la thématique de la création d'une troupe théâtrale pour déficients mentaux. Médecins, infirmiers, professionnels de théâtre et autres personnes étaient présents malgré un climat franchement mauvais, au sens propre de l'expression. « La thérapie par le théâtre : pourquoi pas ? » était l'un des thèmes retenus dans le débat et chaque présent allait de son intervention. Faire du théâtre des moments récréatifs, créer une troupe qui va se produire, « c'est-à-dire faire face à un public et à une critique », occuper le malade, surveiller le côté émotionnel du comédien et autres questions auxquelles les participants avaient tenté de trouver une réponse. Les professionnels du 4e art soulèveront des questions terre à terre, comme la disponibilité d'accessoires, la formation dans le tas ou à partir d'une sélection de malades faite par les médecins, le choix des textes à mettre en scène. « Mettre tout le monde dans le bain, puis sélectionner à partir des penchants de chacun. » Là, un intervenant évoquera l'éventualité de la découverte de talents. Le docteur Chakali parlera des « émotions du malade qui est un être très fragile et qui peut être emporté par l'histoire fictive ». Le docteur Saoudi mettra en avant la nécessité d'un minimum de moyens : « Rien n'est possible sans logistique et nous devons solliciter et sensibiliser le mouvement associatif. Les familles des malades peuvent être impliquées pour socialiser le sujet. » « Le malade ne mange pas à sa faim, n'est pas bien couvert mais cela ne peut pas nous démobiliser », lancera un membre de l'association. M. Houari, DSP de la wilaya de Blida, posera la question « Pourquoi ce théâtre ? », s'il avait un fondement thérapeutique ou récréatif. Le docteur Metahri insistera sur la nécessité de la production d'une pièce qui « offrirait l'occasion à des malades de faire découvrir leur côté artistique ». Les échanges devenaient plus précis et une intervenante parlera de l'engagement de chacun dans ce qui peut devenir un chantier qui s'étalera dans le temps. Ce temps justement qui peut devenir une barrière. M. Bouziane, en professionnel du théâtre, dira : « En temps normal et pour une troupe normale, la création d'une pièce peut nécessiter 4 à 6 mois de préparation. Qu'en est-il pour une troupe composée de malades ? » Il paraissait gêné de devoir poser cette question aux spécialistes de la santé mentale. Parcours semé de beaucoup de difficultés mais qui n'empêchera pas les présents d'y croire. Il y avait bien une musicothérapie du temps de Frantz Fanon avec Abderrahmane Aziz et 2007, à la veille du printemps, vient de voir la naissance de la troupe de théâtre de l'hôpital Frantz Fanon et qui a été confiée au comédien, auteur et scénariste Hakim Bouziane, responsable de la troupe Halqat Mohamed Touri de Blida.