Sur la falaise qui surplombe le quartier de l'Avenue Raynal, non loin du château d'eau qui alimentait l'ancienne caserne Colonieu, actuellement siège du plus important site universitaire, un amoureux des choses simples a érigé un espace insolite. Parce qu'inattendu de la part d'un simple amoureux de la nature, de la culture et de l'amour du prochain. Cet espace où survivaient quelques arbres, au milieu d'un véritable exutoire de la bêtise humaine, est à seulement quelques dizaines de mètres de la daïra -l'ancienne sous préfecture de Mostaganem où un certain Jacques Chirac, l'actuel locataire de l'Elysée, avait effectué son stage de jeune énarque dans le cadre de son service militaire. Il s'agit de téméraires casuarina : ces arbres juste bons pour pousser là où les autres végétaux- hormis les cactées- n'auraient pas survécu plus d'une saison. Car la roche calcaire ne permet aucune autre extravagance. Ce qui explique que même durant la période coloniale, quand les maires avaient une autre idée du service public, rien ne sera entrepris sur ce site pour en atténuer la rudesse. La présence d'une forte concentration militaire en aura dissuadé plus d'un. Si bien que de mémoire de mostaganémois, jamais auparavant ce bout de rocher en plein cœur du centre-ville ne fera l'objet du moindre aménagement, ni du plus petit soins. Avec le temps, il sera totalement affecté à l'accueil de quelques clochards en mal d'évasion. Cet espace sera rapidement transformé en une véritable plaie puante à quelques pas des clameurs de la ville. Depuis l'avènement d'un rigorisme d'apparat, même les adeptes de Bacchus finiront par ranger leurs illusions. L'espace escarpé deviendra un réceptacle de toutes les haines de citoyens en quête d'urbanité. Il aura fallu attendre la venue du tonitruant Bouabdellah, un colosse tout en muscle et tout en douceur. Un ami des animaux et de la brocante. Un éternel enfant qui se cramponne à l'âge juvénile pour mieux aider son voisin. Possédant quelques rudiments d'élevage, il cherchait un bout d'espace pour y installer sa petite et néanmoins encombrante ménagerie. C'est ainsi qu'il jettera son dévolu sur cet endroit oublié des maîtres du terroir et desservi par la nature. Avec quelques bouts de bois, il construira d'abord des cages pour ses pigeons ramiers et un vieux singe. De vieilles tôles ondulées, miraculeusement échappées de la dernière guerre, il fera un toit que seule l'absence de pluie pouvait rendre étanche. Du terrain dangereusement accidenté, il en fera un havre de paix. Lieu convivial Pour les femmes qui s'y retrouvent en groupe. Pour les enfants qui se relayent sur des balançoires de fortunes ; qui ne désemplissent jamais. Nombreux sont ceux qui y viennent surtout pour aller à la rencontre des animaux. Avec un âne, des canards et des oies, un groupe de faisans, un paon qui n'hésite pas à faire étalage de son sublime ramage, de bruyantes pintade de Numidie et un singe, la ménagerie attire les grands et les petits. Même les couples y trouvent un bout d'espace où le temps semble s'arrêter. Mais la plus grande fierté de Bouabdellah c'est la connivence qui s'est créée entre ses animaux et les visiteurs de tout âge qui ont pris l'habitude de venir avec quelques provisions que leur hôtes dévorent avec délectation. Il aura fallu aménager un petit coin pour y déposer les sachets de chips dont les animaux raffolent et que les visiteurs ramènent sans discontinuer. Par cet acte simple, les enfants apprennent à respecter les animaux et à s'en rapprocher. Il y a là une incontestable symbiose qui s'est installée entre les locataires et leurs nouveaux amis. En plus de procurer du bonheur, ce mini zoo est également une école du civisme et de la bonne humeur. Un seul regret, l'endroit aura montré ses limites. Car, malgré les efforts de son initiateur, l'espace n'est pas extensible. C'est son seul défaut. Ce qui n'empêche pas l'inamovible Bouabdellah de penser à un minuscule jardin mexicain où une collection de plantes grasses ne serait pas de trop. Dès l'entrée, c'est un somptueux faucon qui vous accueillera dans une certaine désinvolture.