El-Bahia, capitale de l'Ouest, d'un charme européen, Oran " Ouahrane ", Marseille comme disait le King du raï, cheb Khaled dans sa célèbre chanson. En effet, le visiteur qui pénètre la ville d'Oran, à la recherche de ses attraits, ses sites touristiques et historiques ou ses infrastructures de base dont le port, doit passer par le promontoire du boulevard du Front de mer, actuellement boulevard de l'ALN en hommage à la glorieuse Armée de libération nationale. L'ouvrage réalisé durant la période coloniale, considéré comme une oeuvre unique à travers le territoire national, est une artère névralgique d'El Bahia. La promenade du Front de mer, qui est la fierté de la population locale, a été le théâtre de faits historiques, sociaux et culturels qui ont marqué l'histoire de la ville. L'artère qui s'étend de la rue des Soeurs Benslimane à l'Ouest au lycée Lotfi à l'Est, n'est pas seulement une voie qu'empruntent les véhicules et les piétons. Il est un musée à ciel ouvert, adossé à de hauts bâtiments à l'architecture variée, édifiés durant la période coloniale, qui surplombe le port d'Oran, qui traite quotidiennement un volume important de voyageurs et de marchandises. Il embrasse, dans une invite à l'évasion et la contemplation, le large horizon où se détachent les silhouettes imposantes des navires qui mouillent dans la rade et les mouettes qui tournoient dans le ciel. Les manuels d'histoire indiquent que la réalisation de ce boulevard a été entamée en 1941 par la réalisation des réseaux de drainage et le remblayage des rivières souterraines dont Oued Rouina et Oued Mina qui serpentent la partie haute de la ville pour se déverser dans la mer. Le projet a été suspendu après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale avant que les travaux ne reprennent en 1950, durant le mandat de Henri Foulques De Parc qui fut le dernier maire d'Oran avant l'indépendance. Le boulevard est une terrasse en béton armé, qui s'étend sur une distance de 2 000 mètres construite sur un plateau qui relie la falaise rocheuse à la plaine, sur laquelle prend pied la ville. Il comprend un pont long de 300 mètres, qu'empruntent quotidiennement des véhicules et des piétons qui veulent se rendre à la banlieue est de la cité. Le Front de mer, qui fait face au fort de Santa Cruz, qui trône majestueusement sur le plateau du Murdjadjo, est la destination privilégiée des visiteurs d'Oran qui y viennent pour se remplir les poumons d'un air vivifiant que charrient les vents marins, venus du nord. Les promeneurs qui se baladent, nonchalamment, sur le Front de mer, ont une vue imprenable sur le port qui accueille des navires toutes sirènes hurlantes, venus d'Alicante ou de Marseille. Les quais chargés de containers aux couleurs multiples, ressemblent à s'y méprendre à une oeuvre de cubisme peinte par un artiste méditerranéen, qui puise son inspiration de la nature de la ville. Un chercheur spécialisé en monuments et vestiges historiques, ne manquera pas de qualifier le Front de mer de lieu de dialogue, de conciliabule complice entre la mer et la terre ferme. Le lieu d'une beauté à couper le souffle, bordé de palmiers qui offrent des ombres rafraîchissantes, qui s'illumine à la tombée de la nuit d'une multitude de lumières, a inspiré des poètes et des peintres qui l'ont peint et repeint jusqu'à n'en plus pouvoir. Les poèmes, notamment, les oeuvres chantées par les interprètes de raï, portent, accrochées à leurs vers, les senteurs du Front de mer, les lumières du Front de mer, les cris de joie des enfants s'ébattant avec innocence, sur cette artère, véritable nid à mille et une idylles et à mille et une romances. Les cartes postales en hommage à la ville offrent leurs espaces au boulevard du Font de mer, pour permettre aux touristes de transmettre leur amour pour le coin à leurs familles et leurs connaissances. Le boulevard est bordé de terrasses de cafétérias et de crémeries qui offrent des rafraîchissements et le thé à la menthe aux visiteurs qui n'hésitent pas à immortaliser les moments de félicité qu'ils partagent à faire appel aux nombreux photographes, devenus avec le temps, un élément incontournable du décor des lieux. La vie sur le boulevard du Front de mer devient trépidante au mois d'août quand les premières notes du traditionnel festival de raï, organisé chaque été au théâtre de verdure Hasni Chekroun, se perdent en écho dans la moiteur de la nuit estivale. Des dizaines de familles qui n'ont pas eu la chance de décrocher un ticket d'entrée aux soirées "concoctées" par l'Association de promotion et d'insertion de la chanson oranaise (APICO), initiatrice de la manifestation, s'agglutinent sur la portion du boulevard qui surplombe la scène du théâtre de plein-air pour profiter, sans débourser le moindre "douro", de l'ambiance créée par les troupes qui se succèdent à un rythme effréné sur la scène de ce temple de la musique raï. Les pêcheurs amateurs et professionnels d'Oran ont pris pour habitude de juger de "l'humeur" de la mer avant de préparer leurs cannes ou de charger leurs filets. Un simple coup d'œil vers l'horizon leur permet de connaître, l'état de la grande bleue, la force et l'orientation des vents. "Les amateurs de pêche font toujours un passage par le Front de mer avant d'aller taquiner le poisson sur les quais de la jetée du port ou sur les rochers des criques de ''Cova del agua'' ou des nombreuses falaises de la route de la corniche", avouera un mordu du bouchon et de l'hameçon habitant le quartier de Haï Sidi El Bachir (ex-Saint Pierre). Les lieux, qui constituent un circuit très prisé par les amateurs de vélo, continuent d'abriter les tours cyclistes organisés dans la ville. "C'est un circuit qui offre toutes les commodités aux coureurs", dira un spécialiste de la discipline qui ne manquera pas de rappeler que le boulevard abrite, également des démonstrations d'autres sports à l'instar du karaté, du judo et même de "matrag" une spécialité traditionnelle de la région.