Moins d'un mois après les attentats, les services de sécurité ont pu remonter toute la filière qui a organisé les deux actions criminelles ayant visé le Palais du gouvernement et le commissariat de Bab Ezzouar, à Alger, faisant 32 morts et près de 200 blessés. Deux des trois kamikazes ont été identifiés, alors que les éléments ayant servi à la préparation logistique des deux opérations ont été arrêtés, et une partie présentée au parquet d'Alger, dimanche dernier. Selon nos sources, les ingrédients utilisés dans la confection des engins explosifs sont un mélange de produits chimiques, notamment de l'engrais, avec un double dispositif de détonation. L'un actionné par les kamikazes et l'autre à distance par télécommande. Au-delà des résultats des enquêtes menées sur le terrain, il est important de relever que depuis ces attentats, le GSPC est en train de vivre une situation similaire à celle vécue par le GIA, durant ses dernières années d'existence sous le règne de Antar Zouabri, entre 1997 et 1999. Voyant qu'il n'avait plus les moyens d'affronter les forces de sécurité, le GSPC de Droudkel a opté pour la stratégie des attentats à l'explosif, la plus facile et la moins coûteuse en vies humaines. Ce qui n'est pas pour plaire à toute la troupe. Les dernières opérations kamikazes sont en fait la goûte d'eau qui a fait déborder le vase. Selon des révélations de repentis, notamment après le 11 avril dernier, l'idée de Abdelwadoud Droudkel (chef du GSPC) d'intégrer Al Qaïda et de mener des opérations en son nom n'est pas partagée par une bonne partie de ses proches. Un malaise a déjà poussé certains d'entre eux à se rendre aux forces de sécurité. Les autres attendaient les « nouvelles directives » pour mieux se décider entre poursuivre un « djihad » sévèrement renié et critiqué par les plus grands muftis et références de la salafiya dans le monde musulman, ou revenir à la raison et profiter des opportunités politiques et opter pour la reddition. Il aura fallu les attentats du 11 avril et les morts qu'ils ont fait parmi la population civile pour comprendre que les cibles choisies n'étaient pas militaires comme l'affirme le communiqué du GSPC portant revendication des attentats, mais plutôt civiles, comme l'indique le bilan des attaques. Cette situation a engendré un climat de colère, vite maîtrisé par des changements brutaux (assassinats et emprisonnement) à la tête de certaines phalanges. Abou Al Barra, connu sous le sobriquet de Brahim Boufarik, fait partie de ces contestataires et a décidé de se rendre aux forces de sécurité. Ses révélations sur la situation dans les rangs du GSPC marquée par la suspicion sont hallucinantes. Ayant rejoint les maquis du GIA en 1994, Abou Al Barra n'a pas hésité à s'allier au GSPC dès sa création, parce que, dit-il, il n'était pas d'accord avec la stratégie des massacres collectifs. Il révèle que les dissensions entre Droudkel et ses proches collaborateurs se sont aggravées après les attentats du 11 avril dernier, et risquent de vider totalement l'organisation de « ses plus influents » membres. Parmi ces derniers, le repenti cite les cas de Touati Athmane, dit Abou Al Abbas, mufti de la zone 2, qui englobe la région du centre du pays, Ahmed Djabri, membre du madjliss echoura, Cheikh Abdennaceur, exégète du groupe, ou encore Zerari Rachid, dit cheikh Rachid, officier exégète. Tous ces terroristes proches de Droudkel ont exprimé leur désaccord avec la nouvelle « stratégie des kamikazes », qu'ils estiment « importée d'Irak et qui ne sert qu'Al Qaïda ». Selon eux, le GSPC est en train d'aller sur la voie qui a tué le GIA. Cette contestation a valu à ses auteurs d'être écartés de la direction pour être remplacés par des éléments « purs et durs » qui se font respecter par le crépitement des kalachnikovs et du sabre. Des consignes ont été données, a indiqué le repenti, pour isoler les dissidents et tous ceux qui les approchent. Un vrai climat de bleuité s'est installé dans les rangs et risque de se terminer en véritables opérations de liquidations physiques des « opposants » comme cela a été le cas, après la dissidence de Hassan Hattab. Révélations qui se confirment sur le terrain, indiquent nos sources, dans la mesure où de nombreux appels anonymes, certainement de terroristes, ont aidé les services de sécurité à mettre en échec des attentats à l'explosif dans les régions du centre, notamment à Boumerdès et à l'est de la capitale. Les attentats du 11 avril dernier ont également fait réagir le groupe armé salafiste, Houmat adaâoua salafiya (HDS), composé d'une centaine d'éléments et agissant au centre-ouest du pays, lequel a dénoncé l'opération. Pourtant, ce même groupe était, il y a quelque temps, sur le point de rallier les troupes du GSPC, mais s'est ravisé après avoir remarqué que l'organisation de Droudkel s'orientait droit vers sa destruction en optant pour les attentats à l'explosif, en ciblant des civils. Plus grave, Mokhtar Belmokhtar, dit Belaouar (le borgne), émir de la zone 9, qui englobe le Sud et la région du Sahel, a lui aussi entamé des contacts avec les autorités pour se rendre, à condition qu'un passeport lui soit remis. Même si les négociations n'ont pas abouti, il n'en demeure pas moins que Belmokhtar n'obéit plus à l'émir de l'organisation du fait que ce dernier a mis à la tête de la zone 9, Abou Zeid, un chef qui lui est fidèle et qui, exception faite pour les contrebandiers, n'hésite pas à tuer toute personne à bord d'un 4x4 rencontrée sur son passage. Vraisemblablement, les attentats du 11 avril ont provoqué un double choc. Le premier au sein de la population qui a à l'unanimité dénoncé les auteurs et les commanditaires, mais également au sein même de l'organisation terroriste, qui va droit vers une hémorragie dans ses rangs. Peut-on dire que c'est le début de la fin ? L'avenir nous le dira...