Plaisanterie. Rigolade. L'ambiance était particulière jeudi, jour du scrutin législatif, au siège national du FFS, rue Souidani Boudjemâa (Alger). Pas de tension et pas de suspense. Le parti boycotte l'élection, mais à la direction du plus vieux parti de l'opposition on suit de près les événements de la journée. La soirée électorale a commencé tôt au FFS. Il est 15h. Tout le monde est déjà au siège national. Le premier secrétaire, Karim Tabbou, son staff et de nombreux cadres du partis sont à l'écoute de tout ce qui se passe çà et là. La déclaration du ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni, justifiant le taux d'abstention élevé, suscite la dérision. « On ne peut aller à la plage alors que la température ne dépasse pas les 20° ! », s'exclame en souriant un des militants. Il faut dire que le fort taux d'abstention conforte la position du FFS. « L'absence de la population dans cette élection est un référendum contre la politique prônée par le régime depuis 1991. De la loi sur la rahma à la réconciliation nationale en passant par la concorde civile, toutes les démarches du régime sont rejetées par la société », nous affirme M. Tabbou. Le taux de participation, estime-t-on au FFS, n'excédera pas les 10 à 15%. « Tout chiffre dépassant cette estimation est faux. Nous sommes en contact avec nos cadres qui sont sur le terrain depuis le matin et ils nous ont confirmé cette forte tendance à l'abstention », expliquent d'autres militants. Mais on garde les pieds sur terre. Selon M. Tabbou, le FFS ne revendique pas les dizaines de millions d'électeurs qui ont boudé les urnes. Toutefois, le parti, souligne-t-il, demeure convaincu que « ses visions sont justes » et que « la démocratie de façade du pouvoir a échoué ». « Après le verdict populaire, le pouvoir devra avoir le courage politique d'admettre que son investissement politique fait du tout sécuritaire, de la remise en place de la pensée unique et du parti unique multicolore est rejeté par le citoyen », ajoute-t-il. Notre interlocuteur précise aussi que la future assemblée est, d'ores et déjà, discréditée. La lettre de Bouchaïr et les lectures politiques Vers 19h, l'information portant sur les contestations émises par la Commission nationale politique pour la surveillance des élections (CNPSEL) est parvenue au siège du FFS. La donne est de taille et elle mérite la méditation. « Saïd Bouchaïr est-il capable de rendre publique une telle lettre ? » C'est le point d'interrogation qui ouvre la voie à toutes les lectures possible. C'est Ahmed Djeddaï, ancien premier secrétaire du parti, qui livre les premières lectures. Il en a donné deux : « La première consiste à dire qu'au sommet de l'Etat on prépare déjà l'après-Bouteflika. Il y a une lutte au sommet et le fait d'accuser le FLN, qui est un parti de Bouteflika, plaide pour cette hypothèse. La deuxième lecture porte sur la finalité de la démarche de Bouchaïr. Est-ce que le pouvoir ne veut pas montrer qu'avec de tels dépassements dans une élection, les partis politiques ont perdu toute crédibilité ? Dans ce cas, on veut dire que désormais il n'y a pas d'intermédiaire entre Bouteflika et le peuple. » Et le débat est enclenché. Me Bouchachi, avocat et membre du bureau de la LADDH, estime, pour sa part, que la seule lecture de l'événement ne peut être que politique. « Connaissant Saïd Bouchaïr, il n'est pas homme à faire une telle déclaration de son propre chef. Est-ce que ce n'est pas la guerre de succession qui a commencé ? », s'interroge-t-il. Cependant, on n'affirme rien. Au FFS, les choses sont a priori claires : « Le pouvoir veut détourner les regards de l'abstention massive et du rejet populaire de toutes ses politiques. »