Le ministère de l'Intérieur semble être décidé à mettre un peu d'ordre dans le paysage politique. Pour ce faire, il n'y a pas meilleur moyen que celui d'actionner le levier de l'argent, le nerf de la guerre. Tous les partis politiques agréés sont sommés en effet de déposer leurs bilans comptables de l'année 2006, dans un délai de rigueur de deux mois, auprès du ministère de l'Intérieur. Pour cause, à deux jours des élections législatives, soit le 15 de ce mois, l'administration de Nouredine Yazid Zerhouni a envoyé à tous les partis une correspondance dans laquelle elle leur enjoignait de communiquer leurs bilans annuels avec leurs recettes et leurs dépenses. Les partis sont tenus également de justifier l'origine de leurs fonds et les opérations dans lesquelles ils ont été dépensés. Le ministère de l'Intérieur réclame aussi des partis politiques qu'ils fassent l'inventaire des biens immobiliers dont ils disposent sur tout le territoire national. Les quelque 25 partis agréés auront deux mois pour satisfaire aux dispositions de cette instruction, en application de la loi cadre sur les partis politiques. Il faut rappeler que ce contrôle financier des partis politiques a été institué en vertu de l'article 34 de la loi cadre sur les partis politiques n°97/06 adoptée lors du premier passage de Ouyahia à la chefferie du gouvernement. Toutes les formations politiques contactées hier ont confirmé la réception de l'instruction des services de l'intérieur et à laquelle elles affirment être disposées à répondre favorablement. « C'est une bonne chose de demander des comptes aux partis politiques et nous, au FFS, nous ne sommes pas du tout inquiets. Nous sommes des légalistes, nous allons donc nous soumettre à la loi à travers un bilan chiffré que nous allons transmettre aux autorités. » Le premier secrétaire du FFS, Karim Tabou, affirme que son parti n'a rien à cacher, même s'il déclare : « Nous n'avons jamais reçu de subventions. » Il regrette également que « certains partis se fassent financer par l'administration ». Pour le premier responsable de la formation d'Aït Ahmed, c'est bien de demander des comptes aux partis, mais faut-il encore réclamer cela au système miné par la corruption. Karim Tabou confie du reste que c'est la première fois que son parti est saisi par le ministère de l'Intérieur « depuis 1997 ». Tel n'est pas le cas des autres partis, notamment ceux qui siègent au Parlement qui semblent rompus à cet exercice presque routinier. Le chef du MSP, Boudjerra Soltani, réduit d'ailleurs ce check-up à une « simple procédure technique à laquelle nous sommes astreints chaque année ». Même son de cloche du côté du RND et du PT. Miloud Chorfi, qui soit dit en passant vient de succéder à lui-même à la tête du groupe parlementaire de son parti, confirme lui aussi la réception de la note de l'intérieur à laquelle « nous répondrons dans les délais ». Le « donnant-donnant » du Pouvoir Djeloul Djoudi, cadre du parti de Louisa Hanoune, affirme lui aussi que « la procédure est tout ce qu'il y a de normal depuis 1997. Notre responsable des finances est en train de préparer le bilan de notre parti et toute la comptabilité que nous allons porter à la connaissance des services du ministère de l'Intérieur », devait-il préciser. C'est dire que, globalement, les partis connus sur la place ont plutôt bien accueilli la nouvelle et s'inscrivent dans la légalité, telle qu'édictée par la loi cadre relative aux partis politiques de 1997. Une loi qui prévoit notamment une subvention à hauteur de 200 000 DA pour chaque représentant d'un parti au sein de l'un de des chambres du Parlement. En d'autres termes, pour ses 136 députés, le FLN, à titre d'exemple, a dû percevoir cinq fois la coquette somme de près de 39 milliards de centimes pour ses 199 députés de l'APN durant la dernière législature sans compter les subventions allouées aux sénateurs. Quant aux partis qui ne siègent pas au Parlement, la loi ne prévoit le versement d'aucun centime. Il est donc aisé de comprendre pourquoi les autres partis peinent à financer leurs activités, notamment leurs congrès, pendant que ceux qui sont au pouvoir (FLN, RND, MSP…) dépensent sans compter. L'on se demande également si les autorités se limitent à viser les bilans qui leurs sont communiqués par les partis ou procéder à des enquêtes sur l'origine des fonds. Il faut noter que le sujet demeure encore tabou. Les états-majors des partis n'aiment pas que les journalistes fourrent leur nez dans leurs finances. Souvent, ils se plaignent du sempiternel « manque de moyens ». Un tableau de bord qui tranche radicalement avec le faste observé lors de l'organisation de leurs assises. Ceci est d'autant plus valable pour les partis au pouvoir et ceux qui gravitent autour. Le Pouvoir se montre extrêmement généreux vis-à-vis de ceux qui se proposent de relayer ses choix. La recette est la même s'agissant des associations.