Khartoum rejette l'idée avancée par le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, de créer un corridor humanitaire vers le Darfour (ouest du Soudan) en concertation avec le G8, le groupe des nations les plus industrialisees. « Le Soudan accepte toutes les initiatives qui se font dans la clarté. Le G8 n'est pas le gouvernement du Soudan. Dans cette affaire, la France a eu une attitude impériale », a déclaré hier Nafaâ Ali Nafaâ, conseiller du président soudanais Omar Al Bashir, lors d'une conférence de presse au siège du parti du Congrès national. Il a accusé les Etats-Unis (qui viennent d'imposer de nouvelles sanctions au pays) et la Grande-Bretagne de vouloir déstabiliser le pays pour mieux profiter des richesses et des ressources naturelles. « C'est un nouveau colonialisme. Evoquer le respect des droits de l'homme et la démocratie relève de la propagande et du slogan », a-t-il soutenu. A plusieurs reprises, il a cité les cas de l'Irak et de l'Afghanistan. « Le Soudan n'acceptera pas les forces internationales. Comme nous dénonçons ce chantage qui veut que ces forces ne viennent, les Etats-Unis vont envoyer leurs troupes. Nous préférons travailler avec les forces de l'Union africaine, même si certains veulent imposer l'idée que ces forces n'ont pas de moyens », a-t-il précisé. Il a salué le soutien apporté par la Chine à son pays. « Des pays arabes, africains et asiatiques nous appuient parce qu'ils connaissent parfaitement la justesse de notre cause », a-t-il soutenu. Selon lui, la Charte des Nations unies interdit toute intervention étrangère, sous couvert du Conseil de sécurité. « Si cela aura lieu, nous saurons être comme les Irakiens ou les Palestiniens dans la défense de leur pays », a menacé Nafaâ Ali Nafaâ, réputé pour son influence politique dans le pays. Il a annoncé que le Soudan est favorable à toute aide humanitaire en faveur du Darfour. Et il a mis en doute les chiffres de 200 000 morts au Darfour avancés par les agences de presse occidentales qui citent les décomptes de l'ONU. « C'est exagéré. Celui qui a vu des villages brûlés et massacrés, qu'il nous les montre. Par contre, nous avons vu ce qu'a fait l'armée américaine en Irak. Nous faisons partie de l'ONU et tout le monde sait comment le service de cette institution est alimenté en informations », a-t-il dit. Il s'est contenté de souligner les bons rapports qu'a son pays avec la Ligue arabe sans dire grand-chose sur son rôle éventuel dans l'aide à la résolution de la crise du Darfour. Il a, en revanche, mis un accent sur l'importance du rapprochement avec le Tchad qui partage ses frontières avec le Darfour soudanais. « Nous avons de bons contacts et nous avançons dans les négociations », a-t-il dit. N'Djamena et Khartoum s'accusent mutuellement d'héberger des rebelles. L'accord de paix d'Abuja est, selon lui, en phase avancée d'application. « Nous sommes en train de prendre des mesures de sécurité. Les plus grandes factions armées du Darfour ont signé cet accord. Pour le Sud, il existe encore des milices qui n'ont pas encore déposé les armes. Nous sommes en négociations », a noté le conseiller du président soudanais. A ses yeux, l'unité nationale est vitale pour le Soudan. Autant pour la réconciliation nationale. Même si l'opposition le considère comme « un frein » à cette réconciliation, Nafaâ Ali Nafaâ estime que le projet politique ne sera pas réalisé sans la définition des « intérêts nationaux » et « les règles du jeu » du pluralisme.