Hier, les Palestiniens de la bande de Ghaza, après quatre jours de sanglants affrontements fratricides, se sont réveillés, pour ceux qui ont pu dormir, avec une nouvelle réalité : la domination totale du mouvement islamiste Hamas sur l'ensemble de ce territoire. Ghaza : De notre corresondant Les combattants des brigades Ezzeddine Al Qassam, la branche armée du Hamas, ont pu mettre la main sur la totalité des sièges des organismes sécuritaires palestiniens, beaucoup plus facilement que ne l'imaginaient certains d'entre eux. « Personne ne s'attendait à ce qu'on puisse mettre la main sur le siège de la Sécurité préventive aussi vite, le siège des Renseignements tombera plus facilement encore », nous a déclaré un des éléments des brigades Ezzeddine Al Qassam, moins d'une heure après avoir occupé cet endroit, jadis bête noire des hommes du Hamas. En effet, après moins de deux jours de siège et d'affrontements féroces entre les éléments de la Sécurité préventive chargés de la protection du siège et les hommes du Hamas, qui ont fait 17 morts et des dizaines de blessés, ces derniers ont pénétré, jeudi, à la mi-journée, à l'intérieur de ce gigantesque siège sécuritaire, après la fuite des officiers supérieurs et l'abdication des soldats. La chute du siège de la Sécurité préventive, organisme dont le fondateur n'est autre que Mohamed Dahlane, ex-homme fort de Ghaza et considéré comme ennemi juré du Hamas, qui le tient responsable de tous les maux et des différends qui existent entre le mouvement islamiste et le mouvement nationaliste Fatah, a eu un effet dominos sur le sort de tous les autres sièges sécuritaires qui sont tombés pratiquement sans livrer de combats. Le quartier général du président Mahmoud Abbas, présent à Ramallah, en Cisjordanie occupée, est le dernier à avoir ouvert ses portes aux hommes du Hamas, hier avant l'aube. Selon des sources médicales, les combats fratricides ont fait 116 morts au moins et des centaines de blessés. Le Hamas a annoncé la capture de plusieurs responsables de l'Autorité palestinienne, dont des officiers supérieurs et des hommes hauts placés dans le Fatah. Des scènes de pillage de certains domiciles de responsables fathaouis et de certains sièges sécuritaires semblables à celles qui ont succédé la tombée de Baghdad, ont révolté la majorité des gens. Les hommes armés du Hamas ont très vite pris des mesures pour empêcher ce genre d'agissements en désignant des gardes pour protéger tous les édifices qu'ils ont accaparés, y compris le domicile du président Abbas duquel personne n'a pu s'approcher. Ces quatre jours d'affrontements ont été les plus atroces pour la population de la bande de Ghaza, où aucun endroit n'était totalement sûr. Pas de baccalauréat Les habitants du quartier Al Magoussi, où réside Maher Megdad, porte-parole du Fatah, situé au nord-ouest de la ville de Ghaza, ont vécu un véritable enfer. Pris entre le feu des hommes de Megdad et celui des éléments des brigades Ezzeddine Al Qassam qui voulaient coûte que coûte mettre la main sur lui, la grande majorité des habitants ne trouvant pas d'endroit sûr dans leurs domiciles ont risqué leur vie en sortant avec leurs enfants sous le feu pour chercher refuge ailleurs. Les combats, même dans les cages d'escalier des immeubles, dans ce quartier où habitent des milliers de personnes, ont fait six morts, tous des gardes de Megdad, et plusieurs blessés. Après la chute du quartier, des combattants du Hamas ont pénétré dans certaines maisons dont les éléments sont recherchés par le mouvement islamiste ou dans celles de certains éléments qui ont participé aux combats, mais sans faire de mal à leurs familles. Abou M'hamad, un père de six enfants qui pour fuir les combats a dû quitter son domicile pendant trois jours, nous a déclaré que « personne ne s'attendait à une telle violence. Mes enfants et l'ensemble de la famille ont vécu un véritable enfer avant qu'on puisse miraculeusement quitter le quartier. Plusieurs balles ont traversé les fenêtres de la maison. Il n'y avait pas d'endroits sûrs dans la maison. J'ai une fille qui n'a pas pu aller passer son examen du baccalauréat pour lequel elle a durement étudié. Mes enfants ne comprennent pas comment des frères s'entretuent. Malgré tout, je suis content d'être sorti ainsi que toute ma famille de cette expérience pénible sans dégâts humains et je remercie Dieu pour cela ». Hier matin, à part quelques tirs sporadiques en l'air, les rues de Ghaza-ville étaient calmes et des habitants ont commencé prudemment à sortir dans leurs quartiers après être restés terrés chez eux ou chez leurs proches pour ceux qui ont été forcés de trouver refuge dans des endroits plus sûrs. « Les combats ont pris fin, mais vers où se dirige la bande de Ghaza dans laquelle la vie était insupportable à cause de l'embargo israélo-occidental ? », s'est exclamé Abou Jamal, un fonctionnaire de l'Autorité palestinienne. De son côté, le président Abbas, qui n'a plus aucune autorité sur la bande de Ghaza, a démis de ses fonctions le Premier ministre issu du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et a désigné Salam Fayad, ministre des Finances dans le gouvernement d'union, à la tête d'un gouvernement d'urgence. Haniyeh a qualifié de « précipitées » les décisions du président Abbas, affirmant que le gouvernement qu'il dirige « va continuer à assumer ses fonctions ».