Le Liban aura toujours une particularité, celle qui exprime un besoin irrépressible de vie. Ses habitants l'ont prouvé durant les pires années de la guerre civile, pourtant la situation actuelle ne présage rien de bon. Ses dirigeants rappellent souvent que le Liban n'est pas comme tous les pays qui ont vécu des révolutions tranquilles. Les Libanais en rêveraient, mais ce n'est que le cauchemar, avec des assassinats de chefs politiques et des risques majeurs pour leur pays, comme le prouveraient également les combats opposant autour du camp de réfugiés palestiniens de Nahr El Bared, l'armée libanaise et le groupuscule fatah Al Islam. Le Liban, semble accepter certaines lignes de fractures que traduiraient des accusations d'appartenance. Ce serait alors entre pro et anti-syriens. Justement, l'assassinat d'un député de la majorité parlementaire, qui se qualifie elle-même d'antisyrienne au Liban, aggrave les divisions entre le gouvernement que l'on dit ouvertement appuyé par l'Occident et des pays arabes et l'opposition alliée de la Syrie, augurant mal d'une sortie de la crise politique qui dure depuis sept mois. Pour faire face à l'instabilité rampante, le gouvernement de Fouad Siniora a dépêché le chef de la diplomatie par intérim Tarek Mitri au Caire, pour participer au Conseil ministériel de la Ligue arabe, qui se réunissait hier en session extraordinaire. Cette réunion a été réclamée par le Premier ministre Fouad Siniora le soir même de l'assassinat mercredi du député Walid Eido. Cet assassinat a été imputé à la Syrie par la majorité antisyrienne. M. Mitri est porteur d'un dossier concernant les renforts acheminés récemment de Syrie aux mouvements radicaux palestiniens, basés à Damas, qui disposent de bases militaires dans la région de la Békaâ, limitrophe de la Syrie, a-t-on appris de source gouvernementale. Un deuxième dossier porte sur « l'attitude hostile de la Syrie » envers le tribunal international sur l'assassinat en 2005 de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, imputé par la majorité à Damas. Pointée du doigt dans des rapports d'étape de la commission d'enquête de l'ONU, la Syrie nie toute implication. Ce tribunal, créé le 30 mai par la résolution 1757 du Conseil de sécurité de l'ONU et entré en vigueur le 10 juin, a été rejeté par Damas. Enfin, M. Mitri doit faire état devant ses pairs arabes, des aveux d'extrémistes du Fatah Al Islam aux mains des autorités libanaises, selon lesquels ils ont transité par la Syrie pour s'installer au Liban. M. Siniora affirme que le Fatah Al Islam « entretient des relations avec les services de renseignements syriens ». Dans ce contexte de forte tension, une figure de la majorité, le leader druze Walid Joumblatt a rejeté en bloc les efforts de médiation menés séparément et conjointement par la France, l'Arabie Saoudite et l'Iran pour former un gouvernement d'union nationale. « Pas de gouvernement d'union nationale. Soit le courant qui clame le rétablissement de la tutelle syrienne gagne, soit le courant indépendantiste résiste et marque des points comme il l'a fait avec le tribunal ou le retrait syrien en avril 2005 du Liban », a dit M. Joumblatt dans une interview hier au journal saoudien Asharq Al-Awsat. Ce durcissement de la majorité, après l'attentat contre le député, survient alors que l'opposition menée par le Hezbollah et le mouvement du général chrétien Michel Aoun, réclament un gouvernement d'union élargi qui lui donnerait un droit de veto sur les décisions importantes. Pourquoi donc un tel durcissement et quelles chances donc accorder à cette réunion dite du dialogue prévue en France, à supposer qu'elle se tienne. Un pari difficile à tenir.