Délinquance et criminalité alimentent toutes les discussions dans les cafés comme au sein des ménages. Ces phénomènes ont enflé au point d'atteindre une ampleur plus que préoccupante. Face à cela, le citoyen est forcé d'adopter un profil bas et une conduite très prudente. La rue est devenue pour lui un véritable guet-apens Il n'y a pas de rapport de causalité, mais la relation des produits psychotiques avec ces phénomènes est bien établie par les bilans de la police. Et dans le hit-parade de la consommation de narcotiques, le Rivotril est loin devant le kif, le Sowel ou le Diazepam. C'est le must. La grande mode qu'on explique par les effets dopant, chez les jeunes consommateurs qui de nous n'a pas remarqué dans les rues de Constantine des jeunes se baladant avec des pots de café ? Un phénomène banal, somme toute, mais qui cache en vérité une astuce empreinte juste pour faire diversion. Beaucoup de jeunes, en effet, mettent des gouttes du médicament dans leur boisson. A 50 DA la goutte, le trip est garanti, affirme S.A., un jeune chômeur de Djenan Ezzitoun, amateur de kif et de psychotropes. Pour lui, « le Rivotril est le meilleur moyen de planer et en plus pas cher » Le bilan de la sûreté de wilaya, pour les neuf premiers mois de l'année en cours, donne le chiffre de 63 affaires de drogue enregistrées qui ont conduit à l'inculpation de 88 personnes et la saisie de plus de 5 kilos de kif, près de 13 000 comprimés de psychotropes et une cinquantaine de flacons de Rivotril. Manifestement, les statistiques de la police en ce qui concerne ce dernier produit sont loin de refléter la taille réelle du phénomène devenu visible à l'œil nu, mais beaucoup d'agents qui travaillent sur terrain confirment la tendance. Quelles sont les raisons de cet intérêt ? Les accrocs ne se trompent pas dans leur choix vu la puissance psychotique du Rivotril, cependant, ils croient à tort, selon un pharmacien, qu'il a un effet dopant. Une idée qui les rend pourtant plus hardis pour se balader couteau à la main et narguer les passants. La quasi-majorité des officines du centre-ville de Constantine refuse de vendre ce médicament pour la simple raison, nous affirment les pharmaciens, qu'il est davantage une source de problèmes que de bénéfices. En fait, les établissements ou on peut le trouver se comptent sur les doigts d'une seule main, affirme M. Henni, président du syndicat des pharmaciens (SNAPO). Mais alors comment expliquer l'abondance et la disponibilité du produit chez les dealers ? Notre interlocuteur ajoute : « La fuite est à chercher au niveau des grossistes. » Et de rappeler « le scandale éclaté il y après d'une année après la découverte de vraies cartes délivrées à de faux malades par les services de la CNAS ». Mais la question est bien gênante et cache un vrai tabou. Mme M. F., pharmacienne au centre ville, avoue que la chaîne commerciale reliant importateur, distributeur et officines n'est pas contrôlée, ce qui permet des fuites à tous les niveaux. Pour elle, « la conscience professionnelle n'est plus intact, et plusieurs pharmaciens sont peu regardants sur le comportement de leurs vendeurs du moment que la recette est bonne ». Mais en attendant de renforcer le niveau professionnel et déontologique des vendeurs, elle propose de créer une pharmacie étatique au niveau des hôpitaux qui soient seules habilitées à vendre les médicaments psychotiques. Une idée qui n'est pas mauvaise vu la situation et la facilité avec laquelle le réseau parallèle de distribution est organisé. Pour casser ce réseau, il faudrait que les responsables de la santé publique serrent l'étau sur les grossistes du médicament mais il faudrait aussi que la police enquête sur ce réseau et que le syndicat et l'ordre des pharmaciens s'impliquent. Le flacon du Rivotril à 160 DA est vraiment à la portée du premier quidam et les conséquences sont affligeantes.