Pour que survive la Mitidja ! », s'écrie un des exploitants agricoles sur la rive de l'oued Beni Azza, à l'intérieur de la commune de Beni Merad dans la wilaya de Blida. Erosion des sols, déforestation sauvage par une entreprise privée sise à Bouinan et décharge publique de la commune de Beni Merad, commune pourtant dotée d'un incinérateur pour le Grand Blida et où des produits toxiques côtoient des déchets solides que des enfants fouillent à la recherche d'un éventuel produit à vendre et qui sera source de revenus à des familles vivant bien au-dessous du seuil de pauvreté. Voilà le décor planté dans une des plus riches régions agricoles du pays. Parcelles de terres agricoles comprises dans le triangle des communes de Blida - Beni Tamou - Beni Merad : la vie y revient avec le retour des paysans, l'animation dans l'école primaire Bendjerah, le travail de la terre par des personnes qui ont fui des régions arides pour s'investir dans cette plaine envahie aujourd'hui par l'industrie et l'habitat. Zone de captage des eaux pluviales et des sources provenant des montagnes plus au sud, la cuvette, représentée par la plaine bien en vue à cet endroit puisque dominée également au nord par les hauteurs du Sahel, et les puits installés pour l'alimentation en eau potable des citoyens des agglomérations jusqu'à Boufarik se verront dans un avenir pas si lointain impossible de supporter davantage la pollution environnante, d'autant plus qu'il n'existe point aux alentours des stations d'épuration adéquates ou des usines de traitement des eaux après les polluants chimiques jetés dans l'oued et la décharge communale improvisée. L'oued Beni Azza, passant par tant de concentration urbaine et d'entreprises industrielles polluantes, se trouve à ce niveau sans défense et son tracé change en fonction de l'invasion de son gravier et de son sable par des véreux ne pensant qu'au profit ; l'érosion est visible à l'œil nu avec la stratification du sol s'offrant aux passants, aggravée encore par tous ces eucalyptus sciés à la base par l'être humain, identifiés par des exploitants et qui exposent cette terre arable à la disparition ; des pans entiers sont tombés dans l'oued et cela continue à un rythme alarmant ! Les glissements de terrain emportent des arbustes plantés tout dernièrement et les exploitants se déclarent sans défense. « Je suis allé voir les responsables au niveau de l'APC de Beni Mered et on m'a promis d'y remédier, sans résultat », déclare un agriculteur revenu sur ses terres depuis maintenant deux années : « Même pour la décharge, ils m'ont déclaré que c'est provisoire mais cela dure toujours ! », continue-t-il en observant sa terre. Des jeunes écoliers farfouillent dans la décharge après être sortis de l'établissement scolaire et déclarent le plus simplement du monde qu'ils en ont l'habitude : les senteurs nauséabondes ne permettaient même pas qu'on s'y attarde alors qu'ils étaient debout sur la décharge à dépecer les sacs tout en éloignant les mouches bourdonnantes. Vision cauchemardesque en cette année 2004. Wilaya pilote pour la protection de l'environnement, des citoyens habitant les environs se considèrent comme de simples contribuables qui vont demander des comptes : « Nous exigeons des directions de l'hydraulique, de l'agriculture, des forêts et même de l'éducation une prise en charge de ce fléau importateur de maladies et pouvant détruire ce qui est vital à l'être humain : la terre nourricière. » Un deuxième exploitant, fier d'avoir restauré la verdure dans ces espaces, parlait d'une volonté de trouver pour bannir cet « esprit d'autodestruction qui semble caractériser l'algérien ».