L'accusation a été lancée par la puissante et néanmoins sérieuse association UFC Que choisir. « II s'agit d'un scandale », a affirmé Alain Bazot, président de celle-ci, qui porterait, selon ses calculs, sur la période de 1996 à 2005, à 11,5 milliards d'euros ! En seraient victimes, les souscripteurs d'un contrat d'assurance décès emprunteur avec, dans la plupart des cas, une police couvrant les risques « décès, invalidité, incapacité ». Tel que décrit par UFC Que choisir, les assurés, estimés à environ huit millions, devaient percevoir des « bénéfices techniques et financiers » en fin de chaque année en forme de ristourne calculée sur la base d'un modèle économique qui tient compte des sinistres réels de la population des assurés. Après liquidation des sinistres liés aux décès (ou invalidité) des emprunteurs, il reste plus de la moitié du produit des cotisations encaissées. Et, après soustraction des commissions normalement servies au titre de la commercialisation par les banques, il subsiste encore un reliquat de plus de 40% qui devrait revenir aux assurés. UFC Que choisir se base juridiquement sur l'article L331-5 du code des assurances qui stipule que les « entreprises d'assurance vie doivent faire participer les assurés aux bénéfices qu'elles réalisent ». De fait, les assureurs se donnent bonne conscience en versant les excédents aux banques conformément à des conventions liant les premiers aux établissements financiers, ce qui, aux yeux de l'association, est une violation délibérée de l'obligation légale de reversement aux assurés à titre de participation aux bénéfices. UFC Que choisir a remis au point un plan d'attaque autour de cette affaire : assignation en justice devant le tribunal de grande instance de Paris en date du 20 avril 2007 par un client emprunteur des caisses d'épargne d'Ile-de-France, souscripteur d'une assurance décès auprès de la CNP, le plus important assureur dans cette spécialité avec plus de 40% du marché ; appel aux assurés pour qu'ils exigent directement de leur assureur le versement des bénéfices réalisés au titre de leur propre contrat d'assurance emprunteur ; demande au ministre des Finances de prendre position sur cette pratique organisée qui porte atteinte aux millions d'assurés emprunteurs. De l'action en justice engagée, il est attendu une décision de principe dont l'aboutissement favorable ferait jurisprudence. On imagine les suites. La profession bancaire n'a évidemment pas manqué de réagir. Par la voix de la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Ariane Obolensky, elle a répondu aux accusations de détournement par les banques lancées par UFC Que choisir. Elle soutient que « la réglementation n'interdit pas de rémunérer, sous forme de participation aux bénéfices, les distributeurs comme les banques au titre de la commercialisation et de la gestion des contrats d'assurance emprunteur », en plus de la rémunération en forme de commission. Les juristes spécialisés en droit bancaire et en assurance, le secteur de la finance en général attendent avec grand intérêt le jugement qui sera rendu par le tribunal de grande instance de Paris. Et les procédures d'appel et de cassation offriront une bonne occasion aux commentateurs. Nous ne manquerons pas d'y revenir.