L'homme qui faisait la pluie et le beau temps au Maroc, l'homme qui, durant le règne du roi Hassan II, avait droit de vie et de mort et sans lequel rien ne se faisait, vient de lancer un incroyable pavé dans la mare. Depuis un certain temps, il livrait à doses homéopathiques des secrets sur le royaume à partir de son exil parisien, mais il vient de violer un grand tabou en déclarant à un hebdomadaire espagnol que « l'unique solution au Sahara-Occidental est le référendum d'autodétermination ». C'est une prise de position de taille. Les propos sont tenus par le seul homme qui a véritablement géré, depuis 1975, ce dossier avec le défunt souverain. Il est donc assez bien placé pour savoir ce qu'il dit et pour connaître la véritable nature du problème ainsi que les moyens de le solutionner. Et nul ne lui contestera qu'il a été en première ligne avant sa disgrace intervenue avec l'avènement de Mohammed VI. D'aucuns diront que l'ancien homme fort se venge des affronts que lui fait subir la nouvelle équipe dirigeante du Maroc, au point de le priver de son passeport. Il n'en demeure pas moins que sa sortie va gêner terriblement le trône alaouite, surtout qu'il révèle que les responsables marocains ont rencontré à plusieurs reprises et secrètement leurs homologues du Front Polisario, ceux-là mêmes qui sont traités aujourd'hui par Rabat de « mercenaires » avec lesquels il n'a jamais été question de négocier et qu'il est exclu de discuter avec eux. Les chancelleries du monde entier vont s'interroger sur le double jeu de la diplomatie marocaine, particulièrement les pays - mais ils sont une infime minorité - qui ont manifesté de l'hostilité à l'égard de la guerre d'indépendance du peuple sahraoui. Basri donne un coup sérieux à la crédibilité, déjà limitée, de la diplomatie marocaine. Il démontre le peu de sérieux avec lequel est géré le problème, sauf le côté fanatique et ridicule employé par la monarchie marocaine pour justifier ses revendications sur le Sahara-Occidental et chercher plus tard à s'étendre au détriment de ses autres voisins si elle venait à se renforcer, comme l'a souligné l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker, qui s'est désisté du dossier sahraoui, fatigué et dégoûté par les tergiversations marocaines. Rabat se tait face aux révélations de l'ancien ministre de l'Intérieur et de l'Information. C'est le signe d'une grande gêne et d'un désarroi qui seront peut-être attribués, encore une fois, à l'Algérie.