Depuis 1996, date à laquelle ont démarré effectivement les premières privatisations d'entreprises publiques, à ce jour (soit un peu plus de 10 ans), l'Algérie n'est parvenue à privatiser qu'environ 400 unités économiques, pour la plupart de petites tailles (briqueteries, usines de boissons, hôtels, surfaces commerciales cédées aux travailleurs, etc.). Si pour certains cercles opposés aux privatisations le bilan est jugé déjà trop lourd, ceux qui appuient le désengagement de l'Etat du millier d'entreprises de production et de services qui lui appartiennent, les résultats seraient plutôt décevants. Même si la cadence des privatisation s'est quelque peu améliorée au cours de ces trois dernières années, le processus n'a globalement avancé qu'au rythme de 40 privatisations par an en moyenne, ce qui est à l'évidence très faible, notamment au regard du millier d'unités économiques restant à privatiser en un temps aussi court que possible. Car, au rythme de privatisation actuel, il faudrait pas moins de vingt années pour venir à bout du processus, à supposer que les EPE en question n'aient pas, entre temps, créé d'autres entités qu'il faudrait, elles aussi, tôt ou tard, privatiser. Et à ce jeu de création de nouvelles sociétés filiales, force est de constater que les EPE, notamment les plus grandes d'entre elles, ont excellé au cours de ces dix dernières années. Pratiquement toutes les EPE en activité ont créé des unités économiques autonomes. Celles qui ont accédé au statut de groupe ont été particulièrement prolifiques en matière de création de filiales. Le résultat en est qu'aujourd'hui le nombre d'unités économiques à privatiser dépasse allégrement les 1500 entreprises si on privilégie, comme c'est actuellement le cas, la privatisation par unité économique homogène. Le rythme actuel des privatisations est évidemment trop lent, si lent qu'il peut compromettre la transition à l'économie de marché qui se mesure, comme chacun le sait, à la vitesse du désengagement de l'Etat au profit du privé, des sphères productives et commerciales. Une période aussi longue est par ailleurs porteuse de tous les périls, car nul ne peut présager de l'avenir économique d'un pays comme le nôtre, qui n'a pas de vision prospective et qui fonctionne au gré des conjonctures et de l'humeur de ses dirigeants. On le constate avec la volonté subitement affichée par nos autorités de constituer des pôles industriels à partir de grandes entreprises publiques auxquelles on avait, on s'en souvient, interdit d'investir sous prétexte qu'elles devaient changer de propriétaires. Tel que l'Algérie est gouvernée, il n'est pas du tout exclu, et l'assainissement financier ( 21 milliards de dinars) que l'Etat vient de leur accorder à nouveau tend à le prouver, que ces entreprises occupent à nouveau le devant de la scène économique sans qu'aucune amélioration ne soit apportée à la qualité de leur management. Il est tout à fait clair que si l'Algérie n'avance pas au rythme souhaité dans le processus de privatisation, c'est, avant tout, parce qu'il n'y a pas la volonté politique de le faire. Le discours officiel favorable est constamment contredit par la réalité du terrain. L'excès de procédures, la multiplicité des intervenants, les fréquentes interférences du politique font que les transferts de propriété n'aboutissent qu'au terme de longues années. L'ouverture de capital ou la cession de banques et grandes entreprises comme le CPA, la BDL, l'ENIE, l'ENIEM, la SNVI, l'ENGI et autres figuraient, on s'en souvient, dans les programmes de privatisation datant, pour certains, de la fin des années 1990. Les pouvoirs publics expliquent ces lenteurs par le double souci de concrétiser les privatisations avec le maximum possible de transparence et de rentabilité. Une affirmation que malheureusement conteste bon nombre de chefs d'entreprise qui se sont portés candidats à certaines adjudications d'entreprises et par certaines organisations internationales qui considèrent que tel que conduit actuellement le processus de privatisation ne peut être ni transparent ni efficace. Dépendance de cercles d'influence Les autorités politiques pouvant faire valoir à tout moment des éléments qu'eux seuls maîtrisent (évaluation du patrimoine de l'entreprise mise en adjudication, prix minimum de cession etc.), les entreprises ne sont pas toujours cédées au mieux disant, mais à celui qui convient aux décideurs. Autant de faits qui prouvent que le processus de privatisation est encore fortement dépendant des cercles d'influence qui peuvent à tout moment arrêter un transfert de propriété, lorsque l'acquéreur pressenti ne leur convient pas ou l'orienter au profit d'un repreneur de leur choix. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, ce n'est pas des SGP que proviennent les interférences et les brouillages dans les mises en adjudication d'entreprises. Les SGP ne sont pas habilitées à effectuer de leur propre chef des transferts de propriété. Elles ne sont en réalité autorisées qu'à négocier avec les éventuels candidats aux privatisations les meilleures offres possibles, lesquelles offres sont transmises aux instances officielles de décision que sont le MIPI et le CPE, tout en étant bien conscient que la décision de privatiser en faveur de l'un ou de l'autre peut se prendre à des niveaux hiérarchiques plus élevés. Aller plus vite en matière de privatisation est pourtant une exigence économique et commerciale, car la valeur des entreprises se mesure essentiellement à l'importance de leurs marchés et dans ce domaine les données peuvent changer radicalement d'une année à l'autre. Une usine de textile, dont il était, par exemple, intéressant de mettre en vente il y a quelques années, ne rapportera pas grand-chose aujourd'hui, en raison de la concurrence exercée par les produits asiatiques. A l'évidence, les acquéreurs ne se bousculeront pas au portillon. La concurrence internationale est appelée, ouverture économique oblige, à ravir des parts de marché encore plus importantes à de nombreuses autres entreprises éligibles à la privatisation, réduisant d'autant leur valeur économique et par conséquent leurs chances de trouver acquéreurs à des prix convenables. C'est pourquoi l'Etat ne doit pas hésiter à les céder au plus tôt, si nécessaire, avec le maximum d'avantages et incitations possibles, à des repreneurs, de préférence nationaux, qui acceptent de prendre le risque de les remettre en activité en prenant, préalablement, le soin de les mettre à niveau.