Faut-il voir dans la déclaration du chef du gouvernement à l'APS un simple effet d'annonce ou une réelle volonté de désengager l'Etat de la gestion des 1200 entreprises relevant du secteur public économique ? La question mérite en tout cas d'être posée ne serait-ce que parce que l'Algérie en est à son troisième train de privatisations infructueux. Et comme rien de fondamental n'a changé dans le dispositif de privatisation qui a au contraire été compliqué davantage, il n'y a logiquement aucune raison pour que la quatrième vague de privatisations projetée obtienne le succès escompté. On rappellera que la première vague de privatisations portant sur 250 unités économiques avait été lancée en 1995 par le gouvernement de Mokdad Sifi sur la base d'un simple article de la loi de finances complémentaire pour l'année 1994. Le chef de gouvernement concerné et notamment le ministre en charge de la privatisation, en l'occurrence M. Mourad Benachenhou, n'ont malheureusement pas disposé du temps nécessaire pour la concrétisation des privatisations annoncées, ces derniers ayant été très vite démis de leurs fonctions. Ahmed Ouyahia qui lui succédera prendra la peine de promulguer une loi régissant le mode et les procédures de privatisation, dont la mise en œuvre sera confiée à un Conseil national de la privatisation (CNP) qui lancera, en août 1997, une seconde vague de privatisations intéressant, on s'en souvient, 89 unités économiques, parmi lesquelles se trouvent des hôtels urbains, des briqueteries et des entreprises de boissons. On sait qu'Ahmed Ouyahia a quitté le gouvernement trois années après sans avoir réussi à privatiser ne serait-ce qu'une seule entreprise. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la privatisation des complexes détergents de l'ENAD n'est pas à mettre à l'actif de ce chef de gouvernement, mais à celui qui lui succédera, en l'occurrence M. Smaïl Hamdani. Quant au complexe d'El Hadjar, il faudra attendre l'arrivée de Hamid Temmar qui travaillera sur un dossier suffisamment mâturé par le holding concerné pour conclure la privatisation de ce complexe en perdition. C'est d'ailleurs à ce même ministre que l'on doit la troisième grande vague de privatisations devant affecter progressivement quelque 910 entreprises de divers secteurs. Ce dernier avait pris la peine de modifier la loi sur la privatisation exagérément procédurière, à ses yeux, pour en faire un instrument plus souple permettant de désengager très vite et massivement l'Etat de la gestion du secteur public économique. La levée de boucliers de l'UGTA et l'absence de soutien du chef de l'Etat contribueront à faire avorter son projet de loi que son successeur, Nourredine Boukrouh, reprendra à son compte en promulguant, en août 2002, une nouvelle ordonnance sur la privatisation des EPE. Une ordonnance qui ne donna lieu, à ce jour, à aucune liste d'entreprises à privatiser. Le retour en 2003 d'Ahmed Ouyahia aux commandes du gouvernement s'est traduit par un certain nombre d'actions de nature à redynamiser les privatisations sous différentes formes, à travers notamment les instructions données par le truchement du Conseil des participations de l'Etat, qu'il préside, aux SGP et aux groupes qui gèrent les capitaux des EPE. Les instructions ont consisté à mandater ces organismes à rechercher des formules de partenariat multiformes, notamment avec des sociétés étrangères, à leurs entreprises. De nombreux dossiers de partenariat aussi divers que la prise de participation dans le capital des EPE, la privatisation du management, la cession totale ou partielle de certaines EPE à des opérateurs privés nationaux et étrangers, des propositions de cotation en Bourse... ont été finalisés et transmis pour certains depuis plusieurs années au CPE qui ne sert, en réalité, que de courroie de transmission au Conseil des ministres, seul habilité à décider en matière de privatisation d'entreprises publiques. Et de ce point de vue, force est de constater qu'aucune décision en la matière n'a été prise par cette instance à ce jour. Bien au contraire, certaines mesures récemment prises par le Conseil de participation de l'Etat ne font que compliquer sa mise en œuvre. Autant de décisions qui vont à contre-courant de la privatisation qui exige un maximum de souplesse, des procédures simplifiées et des facilitations de différentes natures, tant la concurrence internationale est grande dans ce domaine. Il serait en tout cas bien dommage que le gouvernement algérien rate cette fois encore l'occasion de se désengager de la gestion pour le moins ruineuse des entreprises publiques. La nette amélioration de pratiquement tous les indicateurs macroéconomiques du pays, la maîtrise de la situation sécuritaire et l'aisance financière constituent autant d'atouts favorables à une politique beaucoup plus volontariste. Car force est de constater qu'en matière de privatisation les moyens existent, mais la volonté manque.