C'est la semaine américaine devrait-on dire comme à propos d'un film de mauvaise série. C'est un aspect caché des guerres américaines en Afghanistan et en Irak, au demeurant largement évoquées par les officiels américains eux-mêmes à l'occasion d'un débat au Sénat des Etats-Unis sur l'hypothèse d'un retrait américain d'Irak. Et bien cette fois, il s'agit d'un rapport d'un centre de réflexion, mais qui ne s'en éloigne pas par ses conclusions. Il s'agit, en effet, de l'engagement des Etats-Unis et de ses alliés en Irak et en Afghanistan qualifié de « catastrophique » : Il a non seulement échoué à pacifier ces pays mais il a également offert un terrain fertile à Al Qaïda, selon ce rapport publié hier par le centre de réflexion Oxford Research Group, et qui demeure partiel toutefois, pour n'avoir analysé que les conséquences pour ceux qui ont pris l'initiative de cette guerre, tandis que l'Irak est tout simplement menacé de disparition. « Mettre fin au régime taliban par la force militaire en 2001-2002 n'a pas réussi à ramener la sécurité en Afghanistan. Les milices talibanes ont été relancées et le pays est dorénavant le premier producteur d'héroïne », souligne l'institut de réflexion stratégique. « Mettre fin au régime taliban avait, de plus, une valeur directe pour le mouvement Al Qaïda », selon le rapport. L'occupation de l'Irak a, elle aussi, été une « grave erreur » et a « fourni un terrain d'entraînement au jihad pour des générations à venir de partisans d'Al Qaïda, comparable à celui dont avaient bénéficié les insurgés combattant les troupes soviétiques dans les années 1980 » en Afghanistan, ajoute le rapport de quelque 130 pages. « Les détentions massives sans procès de plusieurs milliers de personnes, la torture généralisée, les mauvais traitements infligés aux prisonniers, jouent en faveur des organisations extrémistes et sont une source continue de propagande », estime le groupe. « Al Qaïda a plus de soutien qu'il y a six ans », tranche-t-il. Pour contrer le réseau, le groupe appelle à « comprendre les racines de ses soutiens et à systématiquement les couper ». En combinant cela avec « des mesures conventionnelles de politique et de sécurité, Al Qaïda peut être contenue et minimisée mais cela nécessite un changement politique à tous les niveaux ». « Les pays occidentaux doivent confronter les erreurs dangereuses de ces six dernières années et reconnaître le besoin de mettre en place de nouvelles politiques », selon l'étude. Mais, même en cas de succès, « il faudra au moins dix ans pour réparer les erreurs commises depuis le 11 septembre » 2001, date des attentats aux Etats-Unis, estime l'auteur du rapport, le professeur Paul Rogers, de l'Université de Bradford, dans le nord de l'Angleterre. « Renoncer à adopter les changements qui s'imposent pourrait avoir pour conséquence une guerre contre le terrorisme qui dure des décennies », avertit M. Rogers. Le chercheur met également en garde contre « le risque de guerre avec l'Iran ». « Faire la guerre à l'Iran ferait largement empirer les choses, servant directement les intérêts des extrémistes et ajoutant grandement aux violences à travers la région », ajoute-t-il. « Quels que soient les problèmes avec l'Iran, la guerre devrait être évitée à tout prix », juge-t-il. Ce rapport intervient alors que le Premier ministre britannique Gordon Brown devait s'exprimer hier devant le Parlement sur sa politique en Irak. Il doit notamment confirmer la réduction du contingent britannique à 4500 soldats d'ici, la fin de l'année. Mais qu'aura à dire ce leader qui ne pouvait que cautionner l'engagement de son prédécesseur à ce poste ? Plus grand-chose apparemment, puisque les témoignages se multiplient. Aussi, apprenait-on hier, Londres a « exagéré ou communiqué de faux espoirs » sur ce que l'armée britannique pouvait arriver à faire en Irak. C'est ce qu'a indiqué le chef d'état-major britannique dans une interview publiée hier par le Times. « Je pense franchement que nous n'avons pas fait le travail qu'il fallait (...) et nous n'avons pas fait ce que nous aurions dû faire d'un point de vue stratégique. Je ne parle pas là que des militaires », a déclaré Sir Jock Stirrup au journal. Selon lui, seuls les Irakiens auraient pu faire de Bassorah (sud) une ville sure, stable et prospère. L'armée britannique est principalement basée dans la région de Bassorah. « Je pense que certaines personnes s'attendaient à ce que, avec la présence britannique sur le terrain, nous remettions la société de Bassorah et ses infrastructures sur pied. C'était une aspiration, mais on a jamais pu y arriver, seuls les Irakiens auraient pu y parvenir », a-t-il ajouté. Ce n'est pas encore le temps des remords, mais de tels témoignages demeurent accablants pour ceux qui ont pris la décision de lancer des guerres.