Des sources proches de l'enquête sur le naufrage des navires Béchar et Batna de la CNAN ont affirmé que les investigations de la Gendarmerie ont déjà commencé et tout porte à croire que l'on se dirige tout droit vers la thèse de la responsabilité humaine puisqu'une plainte contre X pour non-assistance à personne en danger n'est pas à écarter. Les mêmes sources ont précisé que la Gendarmerie a fait appel à des experts pour éluder le mystère de ce naufrage qui a coûté la vie à 18 marins. Les trois intervenants au niveau du port d'Alger (Epal, garde-côtes et CNAN) sont concernés par cette enquête afin de déterminer les responsabilités. Des éléments de la Gendarmerie sont actuellement en permanence au niveau du port et une équipe de leur unité spéciale avec des plongeurs entame aujourd'hui les recherches dans l'épave du Béchar pour retrouver les corps des huit marins disparus dont les familles restent toujours sans nouvelle. Hier matin, un corps sans tête a été repêché non loin de la jetée Kheireddine, compliquant ainsi son identification. Déjà, les langues commencent à se délier pour mettre la lumière sur les circonstances de cette horrible tragédie. Un groupe d'officiers de la marine marchande s'est présenté hier à la rédaction pour faire état de quelques éléments d'informations sur les conditions qui ont fait que le général-cargo Béchar et le céréalier-vraquier Batna, en mouillage au port d'Alger, ont fait naufrage. Pour ces marins, cette catastrophe « pose avant tout le problème de la gestion » de la flotte de la CNAN. Les conditions météorologiques ne sont, pour eux, que secondaires. Nos officiers ont indiqué que le commandant du Béchar « ne pouvait faire » sortir le bateau parce que « non seulement ses machines étaient en panne, mais l'ancre était coincée entre les rochers. Il avait alerté la capitainerie pour que des remorqueurs l'aident à rejoindre le large, mais son appel est resté sans réponse. De plus, son chef machiniste était absent et il devait faire face à cette situation tout seul. Quand il a vu que les vagues sont devenues très puissantes, il a donné ordre à son équipage de quitter le navire ». Nos interlocuteurs ont déclaré, par ailleurs, que le Béchar était en mouillage depuis près de 14 mois. « Il a été retiré de la navigation tout comme le Batna qui était en arrêt depuis plus de deux ans. Les deux navires ne possédaient qu'une police d'assurance de rade, en termes technique, la Stand By Insurrance imposée par les bureaux de la Loyds et Véritas pour les navires ne répondant pas aux normes internationales de sécurité de navigation maritime. Plusieurs autres navires de la Cnan sont dans la même situation. Il s'agit, entre autres du navire porte-usine Tindouf, qui croupit dans la jetée Butavent, au port d'Alger, du cargo roulier Ro-Ro, Timimoun en état de délabrement avancé, amarré au port d'Oran, et le navire El Hadjar à Annaba. Ce sont des bateaux qui attendent depuis des années l'autorisation des pouvoirs publics pour être vendus. Ils sont tout le temps transférés vers des chantiers de réparation étrangers. Leurs arrêts techniques se multiplient de plus en plus et à chaque fois ils sont bloqués par les autorités portuaires internationales pour leur vétusté. Leur maintenance nécessite un budget énorme en devises. Cela fait des années qu'ils auraient dû être vendus.... » Des révélations rejetées par le chargé de la communication du groupe CNAN, Halim Bounehas. Contacté, ce dernier a affirmé que le Béchar était effectivement en arrêt technique et devait entrer en réparation dans les chantiers de l'Erenav le 25 de ce mois. « Il était en possession de son certificat de navigabilité. Mais il n'a pu résister aux vents et aux vagues parce qu'il était allégé, contrairement au navire Bellabes qui était dans le même cas et qui a réussi à s'éloigner vers le large parce qu'il était chargé. » A propos de l'absence du chef-machiniste, M. Bounehas a été catégorique : « L'officier-mécanicien était à bord et les machines étaient en parfait état. Les conditions climatiques sont les seules causes de ce naufrage. De toute façon, il y a une commission d'enquête et seule celle-ci peut déterminer les véritables causes de cet accident... » Force est de croire que cette tragédie risque d'« emporter » de nombreux responsables dans son sillage tant l'erreur humaine est de plus en plus flagrante.