Kamel Zekri était impatient de nous rencontrer à la cité des 460 logements de la nouvelle ville Ali Mendjeli, là où il habite avec sa femme et ses trois enfants. A l'entrée de l'appartement, on découvre dans le couloir un lot d'appareillage pour handicapés : trois fauteuils roulants, trop encombrants pour les lieux, alors que trois attelles et un corset de maintien sont rangés dans une petite pièce. Durant dix-neuf ans, les parents entretiennent trois enfants atteints tous d'une maladie neuromusculaire, l'amyotrophie spinale progressive de type III. Les jeunes Mohamed-Achraf, Mohamed Seïf-Eddine et Abeer, âgés respectivement de 19, 18 et 15 ans, sont déclarés handicapés moteurs à 100 % depuis l'âge de 4 ans. Le père, agent de sécurité à la société de gestion immobilière (SGI) de la zone industrielle de Didouche Mourad, a mené avec son épouse un dur combat pour l'éducation de leurs enfants : des interventions pour leur assurer des séances de rééducation au CHU de Constantine, en plus des soins pour le jeune Seïf-Eddine atteint d'une maladie des reins. « En raison de leur maladie et de leur état qui se dégrade, les enfants sont incapables de se tenir debout. Ils dépendent totalement de nous », soupire la mère, fatiguée et malade après tant d'années de souffrance. Malgré leur handicap, les fils de Kamel, armés d'une volonté farouche et grâce à une solidarité familiale exemplaire, ont pu décrocher leur bac avec mention, au prix de sacrifices douloureux. « Des journées pénibles passées entre la maison et le lycée Bouhali Saïd, avec un parcours de 35 km pour prendre des cours de soutien à Sidi Mabrouk et Zouaghi ; un déplacement qui prend des heures, car même les bus refusent de nous prendre à cause de nos fauteuils roulants qu'il est difficile de faire entrer », nous dira le jeune Ashraf. « Pourtant, le ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbes, nous a promis, devant la presse, de nous octroyer un véhicule lors d'une réception à Alger l'été dernier », poursuit-il. Une promesse restée sans lendemain. « La DAS de Constantine a fait ce qu'elle pouvait, car toutes nos requêtes adressées au ministre et au wali de Constantine n'ont pas reçu le moindre écho », rappelle le père. Ne voulant pas baisser les bras, Ashraf et Seïf-Eddine engageront une autre lutte sur le chemin de l'université. Le premier étudie à l'institut de commerce du pôle universitaire de Ali Mendjeli et le second est inscrit à l'INATAA, situé sur la route de Aïn Smara. Si le père travaille, les deux frères seront contraints de s'absenter. Il est difficile de décrire le calvaire de Kamel Zekri pour faire monter son fils les innombrables escaliers de l'université de Ali Mendjeli, dépourvue de passages pour handicapés, avant de revenir pour ramener Mohamed Seïf-Eddine vers l'INATAA, puis faire le chemin inverse l'après-midi. La mère se charge de la fille, collégienne au CEM Saâda Khelkhal. Les parents se retrouvent seuls et commencent à craindre pour l'avenir de leurs enfants, qui risquent des complications au vu de leur pathologie progressive. « Nous n'avons bénéficié ni d'allocation, ni de pension, ni du moindre geste pour nous apporter de l'aide, ne serait-ce que pour alléger la charge qui pèse sur nos épaules. Nous avons toujours compté sur la générosité des voisins et des citoyens mais jusqu'à quand ? », s'interroge Kamel Zekri.