La conférence internationale sur l'Irak, ouverte hier dans la station balnéaire de Charm Cheikh en Egypte, était un succès pour l'Amérique avant même son ouverture. L'essentiel de la dette extérieure irakienne a été effacé par le Club de Paris, habituellement bien plus près de ses sous, y compris à l'égard de pays réputés pour leur insolvabilité. Au plan politique, l'ordre du jour n'a pas changé malgré les vœux de certains dirigeants, ou leurs déclarations paradoxalement victorieuses. Les questions essentielles sont évacuées. Les troupes américaines et autres demeureront sur place, et il n'est pas question de fixer une échéance. Reste alors la question des élections à laquelle, très peu y croient. Toutefois, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a affirmé hier qu'une réconciliation nationale en Irak était nécessaire avant les élections de janvier, appelant la communauté internationale à œuvrer en sa faveur, dans un discours devant la conférence. « La date des élections se rapproche et nous devons tout entreprendre pour inciter les divers groupes irakiens à participer à la réconciliation nationale, une réconciliation fondée sur le dialogue et la volonté de s'entendre, et apporter une réponse à des préoccupations et des griefs légitimes », a dit M. Annan. Les partis et mouvements sunnites en Irak ont appelé au boycottage du scrutin prévu le 30 janvier qui ne fera, selon eux, que perpétuer l'occupation du pays. « Il faut convaincre l'opinion publique irakienne qu'il est dans l'intérêt de tous de faire valoir le potentiel qu'offre un pays pacifié et unifié », a ajouté le responsable onusien. Il a lancé une critique voilée au gouvernement irakien qui a donné le feu vert à l'armée américaine pour lancer des opérations militaires musclées contre les villes rebelles, afin d'en recouvrer le contrôle avant les élections. « Les autorités irakiennes ont le droit, elles ont le devoir, de maintenir l'ordre sur tout le territoire. Mais elles doivent en même temps prendre garde aux conséquences plus larges de leurs interventions sur le processus de transition », a-t-il averti. Début novembre, il avait mis en garde les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Irak contre l'effet négatif que pourrait avoir un assaut sur Falloujah sur le bon déroulement des élections. En dépit de certaines réserves et mise en garde, un consensus était en vue. Les pays voisins de l'Irak (Iran, Syrie, Jordanie, Turquie, Arabie Saoudite et Koweït) ont donné dès lundi, à l'issue d'une réunion restreinte, leur aval au projet de déclaration finale entériné hier sans difficulté par les participants. L'Irak et les Etats-Unis insistaient pour que ces pays « tiennent mieux » leurs frontières avec l'Irak, afin d'empêcher l'infiltration. La déclaration finale est supposée en outre symboliser le soutien international, donné à la tenue d'élections générales en Irak le 30 janvier, en faisant référence à la résolution du Conseil de sécurité 1546 de juin dernier, pour laquelle ce scrutin est un premier pas vers l'établissement de la démocratie en Irak. Le texte souligne que l'occupation de l'Irak a un caractère temporaire, sans cependant fixer de date précise pour le retrait des armées de la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis. La résolution du Conseil de sécurité 1546 mentionne la date de décembre 2005 comme la limite pour l'achèvement du processus politique de transfert du pouvoir et de la souveraineté aux Irakiens. La conférence de Charm Cheikh réunissait 20 ministres des affaires étrangères, l'Onu, l'Union européenne, le G8, la Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique et la troïka arabe chargée du dossier irakien (Bahreïn, Tunisie, Algérie). Les Américains ont donc réussi leur pari, mais l'incertitude demeure en ce qui concerne l'avenir de ce pays attaqué et occupé sans la moindre raison puisque tous les prétextes aussi récusables les uns que les autres se sont avérés infondés. Un cas qui tend à se reproduire dans les annales internationales.