Sur les toits en tuiles jaunâtres de ces vieilles et lugubres battisses qui demeurent encore, tant bien que mal, debout, invincibles aux assauts perpétrés par la nature, des arbustes sarmenteux ont poussé ça et là, donnant l'impression que le progrès a marqué le pas dans cette ville il y'a près d'un siècle. Un nombre impressionnant de façades délabrées, de murs grisonnants et lézardés, de persiennes arrachées, de ruelles peu avenantes, tel est le paysage sinistre qu'offre la cité des deux frères à ses hôtes. Depuis que les quartiers périphériques vivent apparemment dans le faste, on a oublié le centre-ville qui s'effrite en silence sous le regard nostalgique de ceux qui préservent encore, quelque part dans un coin de leur mémoire froissée, l'image autrefois pittoresque de la cité des deux frères. La culture, à l'image de la ville métamorphosée en une cité sans couleur, s'est effondrée le jour où la seule et unique salle de cinéma qui abritait des spectacles et permettait par la même occasion aux jeunes de se rencontrer, se concerter et monter ainsi des projets culturels, a été démolie pour céder la place à l'édification d'un centre commercial. Depuis, les jeunes, pour fuir l'apathie et la mélancolie, se réfugient dans les cybercafés, les seuls lieux de divertissement leur permettant, ne serait-ce qu'un petit moment éphémère, de noyer leur chagrin dans des discussions sans « fin » et d'éviter de tomber dans le désarroi. Pourtant, ce ne sont pas les infrastructures qui manquent, celles-ci existent mais sont malheureusement détournées de leur vocation initiale. La culture à l'agonie A l'instar de cette maison de jeune, fermée depuis des lustres pour servir de logis aux sinistrés de 2002, ou encore le centre culturel qui a été beaucoup plus profitable aux meetings politiques qu'aux manifestations culturelles. Et, si l'on évoque la fameuse médiathèque, on illustre parfaitement le vide culturel qui sévit dans la ville de Abdelkader Alloua. Ainsi, à l'exception de ces pérégrinations via le Net, mais qui restent encore inaccessibles pour la majorité, ce sont ces regroupements nocturnes qui fusent de partout pour désapprouver l'absence totale des activités culturelles, d'animation, de bibliothèques municipales, de loisirs. C'est dire qu'aucun signe d'espoir n'apparaît à l'horizon pour ces jeunes dont le seul rêve est de partir vers d'autres cieux, quitte à y laisser leur vie. Et l'on se pose encore la question « pourquoi ces jeunes risquent-ils leur vie pour regagner l'autre rive ? » A Ghazaouet, les jeunes englués dans le chômage, le mal-vivre et l'ennui, ambitionnent avec véhémence de s'expatrier pour ne pas voir leur rêve s'en aller en poussière, à la manière de leur cité ou encore de la salle de cinéma qui, autrefois, leur offrait un espace beaucoup plus convivial que la berge de l'oued ou les cages d'escaliers.