La qualité de l'orange de la région de Béjaïa est bien reconnue depuis longtemps. Jules Roy, pour ne citer que lui, le digne fils des Vergers, pourtant concurrents de la Mitidja, en a bien vanté la succulence avec force prose après un passage à Toudja. Mais il demeure que si en règle générale la loi du marché impose de référer le prix à la qualité et que l'on comprenne que sur les marchés de gros de l'Est du pays, pour exemple, on daigne débourser une poignée de dinars de plus la préférant à un fruit d'une autre provenance, les prix pratiqués cette année dépassent cet entendement. La Thomson est cédée à pas moins de 80 DA au niveau des marchés hebdomadaires et à un peu plus chez les épiciers. La propension juteuse, la bonne saveur et le calibre que les pluies précoces de la saison ont consacrés expliquent en partie l'envolée des prix. Mohamed Hamaï, vice-président de l'association des producteurs d'agrumes de la Soummam, explique d'autre part le phénomène par la baisse de la production de près de 30% par rapport à la saison écoulée. Cela est dû à la chute du bourgeon provoquée par les pluies et la baisse brutale des températures survenues en pleine floraison, au mois de mai passé. Notre interlocuteur reste toutefois sceptique quant à une récession des prix les années à venir. Pour cause : les 3500 hectares de vergers de la vallée de la Soummam sont vieillissants. Ils ont vu le jour, pour la majorité, au temps de la colonisation. Or, si l'oranger peut donner jusqu'à 3 quintaux à 20 ans, il n'en fournira pas plus de 60 kg à 60 ans. L'optimisation de ces plantations passe techniquement, selon M. Hamaï, par l'urgence de leur rajeunissement, soit par l'arrachage des vieux arbres. Et là, le représentant des 418 adhérents de l'association pointe du doigt les pouvoirs publics « qui ne jouent pas le jeu dans le financement des projets de réimplantation ». Une aide à hauteur de 20% est bien consentie au lancement du projet mais « pas plus », reprochera-t-il. Ce qui décourage plus d'un, enjoint-il, est le coût du suivi des jeunes plants. Une dépense annuelle estimée d'après lui, à 120 000 DA en engrais, frais de taille, de « disquage » et de traitement pour l'hectare planté. Compte tenu du fait que le jeune oranger ne serait rentable qu'après sa dixième année (entre 5 et 10 ans, sa fécondité lui permet juste de se prendre en charge), la facture est, sans amortissement, lourde à supporter. Un apport de capitaux extérieurs est finalement indispensable mais « même la BADR ne consent pas des crédits pour le suivi ». Devant ces difficultés financières, une seule issue pour ne pas voir les vergers dépérir jusqu'au dernier arbre : une réimplantation graduelle. M. Hamaï évalue cette opération à 10% au maximum des superficies exploitées (le taux est quelque peu nuancé par les capacités financières de chaque producteur). D'autre part, M. Hamaï parle de la nécessaire mise en place d'une coopérative. Elle aura pour mission, entre autres, l'approvisionnement en plants et produits phytosanitaires, la fourniture en matériel roulant et le conditionnement des récoltes. Ce n'est qu'à cette condition que le fellah placera lui-même son produit, soit, fera-t-il remarquer, la fin alors du recours à la cession sur pied. Autrement dit, un intermédiaire de moins ne fera « qu'alléger » les prix pratiqués par les marchands de fruits et légumes. La qualité de la terre et le microclimat muré par le val, allant de Béjaïa à Timezrit, sont favorables à la culture de la Washington Navel, la Thomson, la Double fine, la Double fine améliorée, la Sanguinelli, la Valenciat, la Clémentine sans pépins et la Montréal. Les fellahs ambitionnent même, dans le cas d'un probable financement du suivi par les banques, introduire plus intensément la culture d'autres agrumes (le Pomelo et le citron) mais ils réclament pour ce faire encore la réhabilitation des aires d'irrigation d'Amizour et d'El Kseur. Il faut rappeler que les forages, depuis la dissolution de l'OPI, l'organisme exploitant, n'ont plus livré une goutte d'eau.