Samedi, Gare du Midi à Bruxelles. Amine enfourchant un vélo donne l'impression de vivre en paix. Mais, ce n'est là qu'un subterfuge pour tromper la police... Bruxelles : De notre envoyé spécial Il pleut sur Bruxelles, comme si la capitale belge n'a jamais cessé de pleurer Brel, son chantre. Dans le quartier Annessens, en plein coeur de Bruxelles, on est sûr d'entendre huit mots d'arabe sur dix. Il est rare qu'un mot en Wallon ou en français soit prononcé. C'est le quartier arabe à forte concentration marocaine. On y trouve des restaurants, des cafétérias, des hôtels, des commerces d'alimentation générale, des kiosques multi- services, une mosquée... Plus loin, la gare du Midi où les trams qui font office de métro et les bus desservent tous les coins de la ville. Sur les lieux, on peut prendre également l'Eurostar (destinations européennes). Une gare ressemblant à un aéroport digne de ce nom. On peut s'y perdre facilement, malgré les indications. Il est vrai que la disponibilité souriante belge aide beaucoup. Dans ce magma de va et vient, alors qu'on attendait le tram pour aller à la Grande Place, lieu à visiter inévitablement sous peine de titiller la fierté des Bruxellois, un jeune frisant la trentaine, enfourchant un vélo neuf s'immobilise à notre niveau et de dire en arabe : « Vous êtes Algérien ? Ne posez pas de questions, je vous ai entendu parler ». Amine est de Hennaya, à 10 km de Tlemcen. Installé à Paris depuis deux ans et se sentant menacé d'expulsion, il a changé de cap pour tenter de trouver refuge en Belgique. « Paris et la France en général sont devenus invivables pour moi. Sans papiers, donc sans travail, on m'a conseillé Bruxelles. Cela fait trois mois que je suis ici ». Le mal du pays Tout irait pour le mieux pour Amine, surtout qu'il donne l'impression de vivre en paix, avec son vélo et ses vêtements griffés ! « Ne vous fiez pas aux apparences, le vélo et les vêtements c'est juste pour faire diversion, parce qu'on pourrait mal imaginer un clandestin se promener en bicyclette et narguant les policiers. Il y a des sans papiers qui se baladent avec des chiens ou fumant le cigare. Tout cela n'est que stratagème ». D'après Amine, qui était venu à Paris avec un visa d'un mois, la Belgique n'est pas non plus un paradis, mais c'est moins risqué. « Ici, on ne sent pas vraiment le racisme, en tout cas, les Belges ne l'expriment pas ouvertement. Mais, leur quasi indifférence à notre encontre signifie bien quelque chose » Et de quoi vit-il ? « Il existe mille et une manière de gagner des euros » Taisant l'origine de ses ressources, Amine nous propose même un café à 1 euro 20. « Ce n'est pas un ou deux euros qui m'appauvriront », dit-il avec un grand éclat de rire. « Le seul souci, ce sont mes parents que je n'ai pas vus depuis longtemps. Et ce qui me martyrise le plus, c'est de devoir leur mentir pour ne pas les inquiéter. Allez, oublions-moi et allons prendre ce café », insistera-t-il. La pluie continuait de s'abattre sur Bruxelles...