Où en sont les travaux de l'autoroute Est-Ouest sur le tronçon du Parc national d'El Kala ? Le tronçon de 17,8 km de l'autoroute qui traverse le parc est à ce jour complètement défriché. En ce moment même, des niveleuses et des pelles mécaniques sont en action pour niveler l'assiette de l'autoroute qui fait 120 mètres de large. Tous les 4 ou 5 km, il y a un chantier où on s'affaire très activement, plus que partout ailleurs. Des équipements ont également été acheminés vers les chantiers, notamment de la tuyauterie, et on est en train de monter des centrales à béton. Les Japonais de Cojaal qui construisent sont à la recherche de zones de déblais dans le parc même (?). Alors que l'étude d'impact qui, je tiens à le signaler en passant, ne se justifie en aucune manière dans ce cas puisque les statuts du parc interdisent le passage d'une voie à grande circulation, n'est pas passée par la procédure de l'enquête publique. Elle a été escamotée. De fait, et légalement, les travaux doivent être immédiatement suspendus par le ministre de l'Environnement. Pour rappel, quels dangers écologiques identifiez-vous ? Comme tous les grands ouvrages humains qui modifient profondément le paysage, le relief, le climat, et le cours des processus naturels, une autoroute provoque de profonds changements là où elle passe et bien au-delà encore, car les milieux et les processus naturels sont reliés, même éloignés les uns des autres. L'autoroute Est-Ouest est une triple menace pour le PNEK. En premier lieu sur les milieux naturels qu'elle traverse et qu'elle bouleverse même partiellement. Certaines de ces agressions sont immédiates et prévisibles. On a quelques recettes toutes faites pour les réduire sans être certains de leur efficacité. Ce sont les moins dangereuses. D'autres, par contre, ne se relèvent qu'au fil du temps et c'est malheureusement les plus dévastatrices, car elles engendrent des situations irréversibles, c'est-à-dire qu'on ne peut même plus envisager a posteriori une restauration des sites. C'est précisément ce qu'il faut craindre chez nous. Le PNEK est en effet un territoire relativement très petit pour l'ensemble de la faune et de la flore qu'il abrite. Plus de 1200 espèces végétales et 800 espèces animales parmi lesquelles des endémiques rarissimes. Cette « densité » de la biodiversité est maintenue grâce au bon fonctionnement des milieux naturels, leur habitat, sans lesquels elles ne peuvent survivre. Dans le PNEK, bouleverser un site, c'est mettre en danger une foule d'espèces végétales et animales. La seconde menace, tout aussi sournoise, provient du fait qu'en transgressant le statut des parcs nationaux qui est la seule et unique loi qui assure la protection effective du PNEK, les pouvoirs publics donnent le mauvais exemple et ouvrent la voie à toutes les dérives. Ils anéantissent totalement l'armature juridique du parc. La troisième menace met en péril non seulement le PNEK mais également toute l'économie de la région dont les vocations sont la pêche, l'agriculture et surtout le tourisme. L'une des principales missions du parc est précisément de mettre en valeur les atouts naturels au profit d'une activité touristique en rapport avec la nature. C'est d'ailleurs pour cette raison aussi que les voies à grande circulation y sont interdites. On doit, en effet, pouvoir traverser à vitesse réduite, pour voir, s'arrêter, regarder, s'informer, découvrir, se cultiver, se détendre et y séjourner le plus longtemps possible au plus grand bénéfice des activités touristiques locales. L'autoroute en construction va, au contraire, capter tous les flux de passagers qui traversent la région pour les emporter, concentrés, à grande vitesse vers la Tunisie. C'est la mort annoncée de toute la petite économie locale qui s'est laborieusement développée ces dernières années avec les passagers et les vacanciers. Comment expliquez-vous cette infraction à la loi qui protège les parcs nationaux ? Nous avions cru avoir convaincu le ministre des Travaux publics lorsqu'il a, après notre première mobilisation, pris la décision en juillet dernier de différer la réalisation du tronçon pour rechercher un autre itinéraire. Il nous est difficile aujourd'hui d'expliquer cette volte-face autrement que par des préoccupations qui sont loin d'être celles avec lesquelles on enrobe les discours sur la protection de l'environnement servis dans de grandes messes sans lendemain. Nous étions convaincus, après avoir développé notre argumentation scientifique, avoir également réussi en prouvant que l'Algérie avait tout à gagner en faisant faire un petit détour à l'autoroute. Elle gagnerait un parc national digne de ce nom, une autoroute prestigieuse, l'estime de son peuple et des autres nations car elle aurait prouvé qu'une gigantesque réalisation algérienne a pris la peine de faire un pas d'écart pour préserver un petit sanctuaire de la vie. Quelle solution désirez-vous voir s'appliquer ? Toujours la même. Suspendre les travaux et opter pour l'une des multiples variantes qui contournent le parc et qui passent toutes par la wilaya d'El Tarf. Et je dis ceci spécialement à l'intention de certains milieux non identifiés qui jettent délibérément le doute dans l'esprit des habitants d'El Tarf en colportant une fausse rumeur qui accuse les défenseurs du parc de s'opposer à l'autoroute au profit de la wilaya de Souk Ahras. Notre crédo a été dès le départ, et nos écrits sont là pour le prouver, que nous voulons l'autoroute et le parc national. Les solutions existent. C'est la bonne volonté qui manque.