Le directeur général de l'ONDA fait le point sur deux phénomènes qui gangrènent l'économie nationale : la piraterie et la contrefaçon. La contrefaçon prend de l'ampleur malgré l'existence de textes de loi. Pourquoi ? La contrefaçon en Algérie est un phénomène économique. Nous vivons dans une situation où il y a une activité économique qui se fait dans la légalité et une autre qui est informelle, selon l'aveu de certains ministres (Commerce, Industrie). A plusieurs reprises, ils ont donné des taux effarants : le ministre du Commerce a dit lui-même que 60% du marché se fait dans l'informel dans les différents domaines. La contrefaçon est assez développée chez nous pour plusieurs raisons. Nous avons identifié une quinzaine de marchés de gros où il y a des activités informelles, le commerce n'obéit à aucune règle légale. Les gens n'ont pas de registre du commerce, ne déclarent pas leurs revenus et ne paient pas d'impôts. La vente des CD et la reproduction des œuvres n'échappent pas à ce phénomène. Il y a un problème de pouvoir d'achat des citoyens, un jeune qui n'a pas de revenus ou une bourse préfère acheter un CD à 60 DA que de l'acheter dans un magasin à 150 DA. Même dans les magasins, il y a des CD avec des boîtiers en plastique et en pochettes cartonnés. Nous avons trouvé beaucoup d'ateliers clandestins sur la base de renseignements qui gravent des CD. Il y a des raisons liées à la déstructuration du marché de l'édition : le métier de producteur ou d'éditeur n'est pas bien réglementé du point de vue de la profession. Le fait qu'il n'y a pas d'éditeurs étrangers en Algérie (à l'échelle mondiale, il y a 5 ou 6 éditeurs qui détiennent 80% du marché dont Sony, Virgin et EMI), l'auteur lui cède les droits d'exploitation sur ses œuvres pour reproduire, vendre les partitions musicales, les imprimer et les vendre. Ce sont aussi des dénicheurs de talents, ils font la promotion de l'auteur. Peut-on avoir des indicateurs fiables de la contrefaçon ? Les chiffres augmentent d'année en année. Comparativement aux volumes des supports contrefaits, les chiffres annoncés sont en deçà de la réalité, ce sont des millions de supports illicites qui sont mis sur le marché. Avec nos moyens propres, on ne peut pas faire face à ce phénomène, ça fait partie du crime organisé. Nous sommes en train d'élargir l'implication de la sûreté nationale, du ministère du Commerce, on a proposé la création d'un comité intersectoriel de lutte contre la contrefaçon pour situer où sont les dysfonctionnements. Concrètement, quels sont les chiffres ? 289 409 CD ont été saisis en 2007 contre 194 963 CD en 2006 et on avait estimé, selon une étude informelle, à 480 millions de dinars de perte pour les droits d'auteur et 230 millions de dinars de pertes pour le fisc. Nous sommes en train d'engager une étude de marché faite par un bureau d'études, on a lancé un appel à intérêt, il y a eu des soumissions et on est à la phase du choix. D'ici la fin de l'année, on aura une étude de marché basée sur la réalité et on pourra identifier tous les dysfonctionnements et interpeller les parties concernées. Microsoft s'est plaint de piratage à plusieurs reprises. Des mesures ont-elles été prises ? Nous avons conclu un accord avec le BSA qui regroupe tous les producteurs de logiciels, surtout américains, dans le but de développer la sensibilisation et la formation. On avait fait un bout de chemin ensemble, ensuite il y a eu des changements au niveau du BSA, il n'y a pas eu de continuité dans le travail, mais selon la dernière étude du BSA en 2006, le taux de piratage a augmenté après avoir diminué en 2005.