Quand la fougue d'un chorégraphe rencontre la grâce de quatre danseurs, cela donne le très beau spectacle offert au public, samedi soir, au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès (TRSBA). Contraste et délire, spectacle chorégraphique de Slimane Habes, tente de montrer l'indicible en deux actes. Après une longue période d'arrêt d'activité, Habes a réuni ses jeunes danseurs pour une nouvelle expérience débutée en 2007 lors de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe. Echafaudé à partir d'un texte de Guemiri Khadidja et une scénographie de Benhimi Faouzi, Contraste et délire ou lewcham (tatouage) est très emblématique des aspirations de son concepteur. Y a-t-il une histoire ? L'intitulé du premier acte, Darna (notre maison), est très grande mais nos places sont très étroites, annonce la couleur. Sur des extraits de musique mêlant influences rétro, jazz, latino, du groupe Pink Martini, débute le spectacle. Mouvementé certes, mais très solide. Et qui captive jusqu'à la fin. Occupant toute la scène, les danseurs se laissent aller dans un jeu subtil et très charnel. Acte II : Délire. « Je pose une pomme sur une assiette en verre authentique. Un peintre lui fait face », déclame Bouarara Tarik, avant d'entrer en action sur une mélodie d'Emma Chaplin. Deux personnages aux corps difformes et habillés en noir inaugurent le deuxième acte où les tableaux se succèdent, donnant au spectacle plus d'aération et de grâce. L'homogénéité du spectacle chorégraphique semble être une obsession chez Habes. « Le geste ne trahit pas et tout geste à une signification », dit-il. Délire s'achève dans l'obscurité, au bout de vingt-cinq minutes. Inquiétant. Le public est sous le charme et ovationne longuement les danseurs de Lewcham. « Un spectacle de haute facture, un chorégraphe à tempérament », lance Fadila Assous, comédienne, à la fin du dernier acte. « C'est une belle démonstration de théâtre dansé », estime un spectateur. Le chorégraphe semble insatisfait. Peut-être une constante chez lui ? Son spectacle Lewcham, donné en décembre 2007 à Alger, s'offre pour la seconde fois à Sidi Bel Abbès dans le cadre du Festival du théâtre professionnel. Procurant un zeste de fraîcheur à un festival qui a du mal à atteindre sa vitesse de croisière, Lewcham est un spectacle à voir et à déguster sans hésitation. De formation classique, Slimane Habes s'initie à la danse contemporaine sous l'impulsion de Ricardo Nunez et David Brown. Il crée en 1994 sa propre compagnie « Taâbir » avec l'ambition de développer cette forme d'expression artistique qui demeure toujours marginalisée, voire taboue. Il se consacre aujourd'hui à son métier de chorégraphe et se bat pour créer des chorégraphies contemporaines en Algérie.