Après près de 7 ans de « règne », le wali de Chlef est enfin touché par le mouvement opéré dans le corps des walis par la présidence de la République. Mais le changement d'hier intervient, faut-il le signaler, dans une conjoncture particulière marquée par les violentes émeutes qui ont secoué la région, il y a une dizaine de jours. Des émeutes dont l'élément déclencheur était sans doute le procès intenté par le même wali contre le coordinateur des cités en préfabriqué, Mohamed Yacoubi, pour ses déclarations sur le problème des sinistrés qui attendent une éventuelle prise en charge de l'Etat depuis 27 ans. Quelques mois auparavant, le même responsable avait poursuivi en justice le député indépendant sortant Meddah Arraibi pour ses dénonciations de la gestion locale durant son mandat. On n'a pas hésité dans ce cas à violer la Constitution, notamment son article 109 qui stipule clairement qu'« un député ne peut faire l'objet de poursuites judiciaires pour les propos exprimés dans l'exercice de ses fonctions ». Celui-ci a écopé de trois peines d'emprisonnement et a dû faire appel en attendant son jugement. Avant lui, un chanteur qui a osé dérangé « l'ordre établi » par une simple chanson a été condamné à la prison ferme suite à une plainte de l'administration locale. Loin d'être des cas isolés, ces exemples montrent à quel point il était difficile pour la société civile représentative d'évoluer dans un tel climat où le droit à la parole était confisqué et les risques de représailles, voire de règlements de comptes, étaient réels. Le refus de candidatures de gens crédibles aux dernières élections (législatives et locales) est perçu également comme une volonté manifeste de barrer la route aux forces vives et aux compétences de la région, dont certaines ont même été touchées dans leur dignité et leur honneur par des étiquettes d'une autre époque. Des opérateurs économiques, dont des chefs d'entreprises de réalisation, se plaignant eux aussi de « l'environnement hostile et un climat des affaires défavorable », ont dû quitter la wilaya pour aller exercer ailleurs. La population, quant à elle, était totalement mise à l'écart et avait du mal à se faire entendre auprès des décideurs. A défaut d'intermédiaires crédibles et acceptés, elle subissait, des années durant, le diktat des uns et le choix imposé des autres dans l'indifférence générale. Tous ceux censés être à son service ou celui de la collectivité étaient mis au pas et acceptaient toutes les compromissions, allant jusqu'à cautionner des choix dangereux pour l'avenir de la région, telle l'appropriation de terres agricoles et d'espaces forestiers pour le secteur de l'urbanisme et de la construction. Mais la volonté de tout régenter a produit l'effet contraire : mécontentement généralisé, relations tendues entre les habitants et leurs gouvernants, choix contesté des projets et aggravation des problèmes socioéconomiques. La wilaya a certes bénéficié d'un « budget important depuis 1999 » (on parle de 226 milliards de dinars), mais l'impact d'un tel effort n'a guère produit l'effet escompté sur le quotidien des citoyens, de l'avis de beaucoup d'entre-eux. Les investissements productifs, par exemple, se comptent sur les doigts d'une main, et le seul port de pêche lancé depuis 2002 à El Marsa traîne toujours en longueur. Des retards énormes sont aussi enregistrés dans des secteurs stratégiques tels que l'habitat promotionnel, l'hydraulique, le développement rural, l'éducation, la santé et l'énergie gazière où le taux de pénétration n'atteint que 26%, pour ne citer que ceux-là. Pour toutes ces raisons et les événements douloureux qu'a vécus Chlef et Chettia ces derniers temps, le départ du wali était vivement souhaité par tous, du moins par une grande partie de la population. Il a fallu tout de même des incidents graves pour qu'il soit enfin remplacé par le secrétaire général de la wilaya d'Alger, promu à ce poste. Un changement qui se veut avant tout un geste d'apaisement et une réponse à la demande pressante des habitants, après les dégâts causés à cette wilaya martyre. Il faut dire que l'annonce du départ du wali a été accueillie avec soulagement par la population locale.