1969 : Rachid Boudjedra publie La Répudiation. Dès le premier mois, le roman fait le tour de la France et des pays francophones… excepté l'Algérie, où le régime dictatorial de Boumediène en interdit l'importation et la diffusion ! Dans moins de six mois, le livre bat le record des ventes (pour les romans algériens) précédemment établi par Nedjma (30 mille exp.) de Kateb Yacine. Il atteint les 50 mille exp. ! Du jamais-vu dans l'histoire des lettres algériennes ! Boudjedra devient alors pour les critiques et journalistes français « l'enfant terrible de la littérature algérienne ». Il faut dire que Boudjedra a complètement « révolutionné » les sujets du roman algérien de l'époque très attaché à la guerre de Libération nationale. L'auteur de La Répudiation s'est en effet attaqué aux « maux et problèmes » de l'Algérie indépendante : la dictature du gouvernement de Houari Boumediène, la désolation du peuple algérien déboussolé par les déchirements fratricides des nouveaux maîtres du Palais d'El Mouradia et chose nouvelle, dans la littérature algérienne (très pudique) de l'époque : le sexe. En effet, dans son premier roman, Boudjedra casse tous les tabous, critique tous les conservatismes religieux et « défonce » toutes les traditions immobilisantes de la société musulmane, en général, et algérienne, en particulier. Mais, voilà que Rachid Boudjedra revient à… la révolution algérienne (qu'il avait chantée dans Pour ne plus rêver (1) avec son beau roman intitulé Le vainqueur de coupe : Avis mitigés en France, commentaires (et non critiques) dans la presse algérienne frisant le ridicule ou carrément « le larbinisme » et silence coupable des pseudo-progressistes, jadis, soi-disant « fervents lecteurs » des romans de l'auteur ! Pour l'écrivain, il n'a fait que son devoir de mémoire. En réalité, Le vainqueur de coupe est un très beau thriller (dommage que les cinéastes algériens restent toujours hésitants ou carrément « aveugles » en ce qui concerne cette œuvre magistrale ! 1982 : Boudjedra décide d'écrire ses romans en arabe et de les traduire ensuite en français. C'en était de trop pour « les tenants de l'Algérie française » ! L'enfant « rebelle » de la littérature algérienne s'attire les foudres des pieds-noirs, des nouveaux colonialistes et de leurs larbins autochtones. Mais sachant que la langue française, langue de Rimbaud (pour les retardataires : lire absolument son poème intitulé Jughurta) et de Sartre (qui peut oublier son Notre honte en Algérie ?) est une langue de liberté, Boudjedra est revenu progressivement au français. N'en déplaise aux « écrivaillons » faisant l'éloge des « bienfaits de la colonisation » et à ceux « caressant le pubis » d'Israël, Rachid Boudjedra est aujourd'hui l'un des plus grands écrivains que l'Algérie historique ait connus. (1)- Poèmes