Le géant gazier russe a ouvert hier sa représentation à la cité Omar Ricour, sur les hauteurs d'Alger, non loin du siège du ministère de l'Energie et des Mines. C'est la première en importance en Afrique. Alexandre Medvedev, vice-président du groupe, qui n'a aucun lien de parenté avec le président Vladimir Medvedev, a expliqué aux journalistes, invités à la cérémonie d'ouverture, que ce bureau, logé dans une belle villa toute neuve, aura à suivre le développement des activités à travers l'Afrique. « Nous avons déjà une filiale qui travaille dans le domaine d'extraction des hydrocarbures à Tripoli, en Libye, mais la fonction de représentation à proprement parler sera assurée à partir d'Alger. C'est une représentation en Algérie, mais nous lui donnons le pouvoir d'agir en Afrique. Après, au fur et à mesure que des projets vont se développer, on sera probablement amenés à créer d'autres bureaux sur le continent », a-t-il expliqué. Gazprom, qui est déjà présente en Libye et au Nigeria, entend, selon lui, développer des activités vers l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest. Alexandre Medvedev n'a pas voulu trop s'étaler sur les projets à développer en Algérie. « Nous nous sommes accordés avec Sonatrach de ne pas divulguer d'informations sur les projets en vue. Nous sommes toujours dans l'étape d'analyse et de revue de projets autant en Russie qu'en Algérie. Lorsque les équipes techniques auront fait leur travail d'analyse, vous serez informés sur ces projets », a-t-il dit. Peu de détails côté algérien. Chawki Rahal, vice-président de Sonatrach, présent à la cérémonie, a, en recourant à des formules vagues, expliqué que les projets se feront sur avis d'appels d'offres « ouverts et transparents ». « Gazprom veut se développer à l'international. Nous sommes favorables à la participation de Gazprom dans des opérations d'exploitation et de production et au développement du domaine minier national », a-t-il déclaré. Il rappelé que Gazprom envisage de se lancer dans la production du gaz naturel liquéfié (GNL), d'où l'existence d'opportunités de coopération. M. Rahal a insisté sur le caractère « purement commercial » de la coopération, comme si le rapprochement Gazprom-Sonatrach pouvait cacher autre chose. Interrogé sur l'annulation du mémorandum d'entente liant Sonatrach à Gazprom, signé en 2006, Chawki Rahal a précisé qu'il s'agissait d'une fin d'application. Mais pourquoi n'a-t-il pas été renouvelé ? Le responsable de la première firme du pays s'est gardé de répondre avant de se rattraper : « L'important est d'avoir des projets concrets et pas de signer des documents. » Dans une interview au Wall Street Journal, fin 2007, le président de Sonatrach, Mohamed Meziane, qui a ignoré la presse algérienne dans cette affaire, a annoncé que ce mémorandum n'avait rien donné de concret. Il n'a pas expliqué les raisons. Mais des analystes avaient conclu que des pressions avaient été exercées par des milieux européens pour susciter ce qui pouvait paraître comme un divorce à cause de la perspective de création d'une OPEP du gaz. Plus de 40% des approvisionnements de l'Union européenne en gaz sont assurés par la Russie et l'Algérie. Alexandre Medvedev a expliqué hier que l'Europe ne devait pas avoir peur. « Au contraire ! On doit voir d'un bon œil ce rapprochement technique entre les compagnies. C'est à travers ce genre de projets concrets que la fourniture du gaz sera garantie sur le marché européen. Aujourd'hui, la production de gaz et de pétrole est une activité de plus en plus risquée et coûteuse. Seules des compagnies de la taille de Sonatrach ou de Gazprom sont capables de prendre ce genre de risques », a relevé le numéro deux de Gazprom, soulignant que l'investissement dans le domaine de l'extraction et du transport des hydrocarbures exige l'engagement de milliards de dollars. Gazprom hostile à l'OPEP du gaz Interrogé sur l'éventualité de création d'une organisation des pays producteurs de gaz, Alexandre Medvedev a estimé impossible l'existence d'un tel regroupement. « Les contrats de gaz sont à long terme. Il y a des obligations pour les fournitures qui sont régulées par ces accords. La création d'un tel cartel par les pays producteurs de gaz n'est pas possible, même dans l'avenir. Cela dit, le forum des pays producteurs de gaz va continuer à avoir un dialogue entre eux », a-t-il indiqué. Sur le plan officiel, la Russie, autant que l'Iran et le Venezuela sont favorables à la création d'une OPEP du gaz. Des travaux sont déjà engagés pour faire avancer ce projet. L'Algérie et le Qatar, gros producteurs de gaz et aux réserves prouvées importantes, demeurent réservés. Chawki Rahal a rappelé hier la position presque hostile de Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, sur une telle initiative. Position qui n'est pas celle du président Abdelaziz Bouteflika qui avait déclaré que l'idée ne devait pas être rejetée. Au niveau bilatéral, M. Rahal a évoqué la nécessité « d'optimiser la position » des deux compagnies sur le marché international. Sergey Panferov, directeur de Gazprom-Algérie, a évoqué la possibilité de recourir de plus en plus au Swap (échange du gaz) et au partage de moyens de transport. « Il s'agit d'une opération purement économique. Sonatrach le fait déjà avec plusieurs sociétés », a précisé Chawki Rahal. Grâce à une filiale avec Gaz de France, Sonatrach a, par le passé, livré une cargaison de GNL à Gazprom sous forme Swap. Dans le domaine du GNL-Swap, Gazprom travaille déjà avec des compagnies australiennes. Parlant de coopération avec la firme algérienne, le vice-président du groupe russe a expliqué que chaque compagnie aura à ramener ce qu'elle a de plus fort. « Gazprom a une expérience unique dans le monde. Elle travaille dans des conditions météorologiques extrêmes que ce soit dans le Nord ou dans le Sud. Sonatrach a une expérience unique dans le domaine du GNL ainsi que la production d'hydrocarbures sur son territoire. Si dans le futur, on est capables de réunir des forces entre les deux compagnies, on pourra réaliser des projets même les plus complexes », a déclaré Alexandre Medvedev, qualifiant Sonatrach de « partenaire important » dans la région. Des projets communs en Afrique est une option déjà retenue. A Moscou, Sergueï Pankratov, haut représentant de Gazprom, a annoncé hier, cité par l'agence russe Ria-Novosti, que le groupe envisage d'investir presque 273 milliards d'euros (deux fois les réserves de changes de l'Algérie) pour son programme d'investissement. Il a indiqué que la majeure partie de cette somme sera destinée au développement de l'infrastructure de transport et 30% seront investis dans le domaine de l'extraction. Gazprom, qui emploie plus de 430 000 salariés dans le monde, est le premier exportateur mondial du gaz. Ses réserves en pétrole égalent celles de l'américain Exxon Mobil qui est la deuxième plus importante capitalisation boursière dans le monde après PetroChina.