Auparavant, il y avait Oued El Had, un tout petit bourg niché entre Sidi Mabrouk supérieur et la rivière de Sarkina. Quelques dizaines de maisons, dont l'architecture aura sûrement plus tard inspiré les tenants des logements évolutifs. Ses habitants y ont été « parqués » dans les années 1960, la plupart venus des wilayas limitrophes, fuyant les séquelles de la guerre de Libération et la misère, qui était leur plus fidèle compagne. Le quartier sera pendant de longues années un furoncle à Constantine, où il n'était bon ni de se promener ni de se rendre. La cité manquait des structures sociales les plus élémentaires. Puis Oued El Had sera dénommé cité des Frères Abbès, et les habitants se lanceront corps et âme dans le commerce de tous genres. Aujourd'hui il faut reconnaître que le quartier s'affirme comme un pan incontournable du commerce de pièces détachées et de grossisterie en agroalimentaire. Les anciennes demeures, avec leur fameux « haouch » (cour intérieure), sont devenues de grandes maisons, avec des commerces au rez-de-chaussée, comme cela se fait pour les toutes nouvelles constructions de la ville. Sauf que pour certains commerçants, le registre de commerce n'est pas une…nécessité. « Beaucoup de commerçants de Oued El Had (les anciennes appellations ont la vie dure) ne disposent pas d'un registre de commerce, donc en infraction avec la loi, et activent illégalement », nous dira un contrôleur des impôts rencontré fortuitement sur place. C'est vrai que le jour de la « visite » des Impôts, plus aucun rideau ne se lève. Le téléphone « arabe », ou carrément le portable, informera les commerçants de « la descente », et tout le monde prendra « congé », le temps que l'orage passe. Le hic, c'est que cet état de fait ne concerne pas que quelques commerces bien cachés dans la cité, il touche aussi bien le grossiste en pâtes alimentaires, semoule et huile, qui s'étale sur une surface de superette américaine, que le vendeur de pièces usagées auto, « la casse », qui brasse des millions de dinars en revendant ce qui est rejeté outre-Méditerranée. « Nous travaillerons toujours comme ça, car El houkouma n'a rien fait pour nous. Nos routes sont cabossées, l'éclairage public fait défaut, et l'APC se préoccupe plus des nantis de Sidi Mabrouk que de nous », tels sont les propos acerbes de Fodil, vendeur de vêtements …en plein air, qui refuse de payer ses impôts pour des motifs, partagés par tout le monde, apparemment, car les riverains se sont distingués, il y a quelques années, par leur refus des commerces flambant neufs que la commune leur proposait sur la place de l'ancien marché bâti de bric et de broc. Une façon de rejeter l'offre de l'Etat « qui pourra, par la suite, identifier les propriétaires des magasins, donc exiger des impôts » , rétorqueront les futurs ex-acquéreurs. Les commerces en question resteront des années en jachère pour être démolis en fin de compte, et le marché informel reprendra naturellement ses droits sur son ancien emplacement ! Une situation qui dure depuis, et qui, vraisemblablement, ne changera pas de si tôt.